La Chine et la Vente des Vins des Hospices de Beaune : une prise de contact, pas un coup de foudre

a 150ème Vente des Vins des Hospices de Beaune s’est achevée dimanche 21 novembre sur une hausse de 11,3%. C’est un bon chiffre compte-tenu de la qualité du millésime 2010. Contrairement aux attentes de Christie’s, qui organisait la Vente, les Chinois ne se sont pas rués sur les vins. Mais les Bourguignons sont de toute façon décidés à évangéliser ce territoire convoité par les Bordelais et les vins du Nouveau Monde.

11,3% de hausse aux Hospices de Beaune : merci le millerandage

C’est probablement grâce à une météo typiquement bourguignonne que la 150ème vente des vins doit son bon résultat. La floraison du millésime 2010, extrêmement longue, s’est déroulée dans des conditions maussades, causant coulure et millerandage. “J’ai eu beaucoup de petits raisins noirs, et une très bonne maturité, avec des 13° naturels sur les rouges, et des 13,5° à 14° sur les blancs”, constatait d’ailleurs Roland Masse, le régisseur du domaine des Hospices, juste avant la vente. 30 hl/ha : le rendement moyen des 60 hectares de vignes des Hospices n’a permis de mettre en vente que 643 fûts, au lieu de 800 l’an dernier. Du coup, les enchérisseurs étaient sous pression, en particulier pour les blancs, dont seulement 100 tonneaux étaient en vente. Avec une hausse de 15%, ce sont donc les vins blancs qui ont tiré les enchères vers le haut. [ NDLR : En tout, les enchères ont représenté près de 5 millions d'euros (4.878.760 euros pour 643 pièces contre 5 005 168 € en 2009 pour 800 pièces). La vente des 543 pièces de rouge a représenté 3,3 M€ (+ 12,6%) et celle des cent pièce de blanc, 1,1 M€ (+15,7%). ]

Tous les regards étaient tournés vers l'Asie

Christie’s n’avait rien laissé au hasard : en 2010, ses agents ont parcouru l’Asie pour faire déguster les vins des Hospices à leurs clients de Beijing (Pékin), Shangaï, Hong-Kong, Taïwan, Corée. Juste avant la Vente, l’un des commissaires-priseurs de Christie’s expliquait d’ailleurs qu’en moyenne, 18 à 20% des acheteurs d’une vente de vins classique étaient asiatiques, et qu’en obtenir plus de 20% pour celle des Hospices de Beaune serait un succès pour la maison londonienne. Pour enfoncer le clou, dans un subtil exercice de géopolitique vineuse, les Hospices avaient convié un acteur chinois, Liu Ye, à présider la Vente aux côtés de Fabrice Luchini, de façon à faire parler de celle-ci dans la presse people chinoise.

Finalement, ce sont les acheteurs traditionnels qui ont fait la vente

Signe prémonitoire, l’acteur chinois a fait faux bond la veille au soir ! Une sombre histoire de tournage soudain décalé l’aurait obligé, sitôt arrivé en France, à reprendre dare-dare le premier avion pour Hong-Kong. Ce désistement a été largement comblé par la fougue de Fabrice Luchini, qui a sorti le grand jeu, comme on peut le voir ici. Mais ni Victor Hugo ni une brillante imitation de Johnny n’ont enthousiasmé les enchérisseurs chinois qui ont représenté 12% des acheteurs (en valeur). C’est très bien, pour une première, puisque la Chine passe ainsi loin devant les acheteurs américains, qui ne représentent que 1,6% des enchérisseurs. Mais cela veut dire qu’au fond, les fondamentaux de la Vente des Vins de Beaune n’ont pas changé, et que ce sont toujours les clients traditionnels qui font tourner la boutique : les Belges, les Suisses, et bien sûr, les négociants locaux. Le jour où l’on verra un enchérisseur chinois bagarrer pour acquérir la pièce de charité de 500 litres, remportée à 400 000€ par la maison Patriarche (Jacques Boisseaux), n’est pas arrivé.

Les Bourguignons à l'attaque du marché chinois

De toute façon, les Bourguignons ne s’attendaient pas à des miracles. Ils sont au contraire plutôt conscients d’arriver presque tard sur un marché déjà bien quadrillé par la concurrence. “4,5 millions de Chinois disent avoir bu l’an dernier un vin importé. En 2009, la Chine est le 10ème acheteur de vins français. Tout va très vite et il faut y aller, sinon le Nouveau Monde va prendre notre place”, résumait Pierre-Henry Gagey, président délégué du BIVB (bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne), le matin avant la vente aux enchères. “Aujourd’hui”, ajoutait-il, “la Chine est le 14ème client de la Bourgogne. C’est peu en volume, mais en 2010, on a vu les ventes augmenter de +70% !” Alors la Bourgogne contre-attaque avec un plan triennal de 400 000€ par an à destination des prescripteurs chinois : dégustations, initiations, le marché chinois est un marché de vins rouges auquel il faudra faire découvrir le chardonnay.