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Interview de Jean-Max Manceau, président du syndicat des vins (ODG) de l’AOC Chinon « Chinon est plutôt dans la catégorie des vins de niche »
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Interview de Jean-Max Manceau, président du syndicat des vins (ODG) de l’AOC Chinon « Chinon est plutôt dans la catégorie des vins de niche »

Par Vitisphere Le 17 décembre 2010
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Interview de Jean-Max Manceau, président du syndicat des vins (ODG) de l’AOC Chinon « Chinon est plutôt dans la catégorie des vins de niche »
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hinon, AOC ligérienne petite par la taille, mais de longue réputation, est confrontée comme toutes les autres aux données contradictoires du monde d’aujourd’hui : changement du goût des consommateurs, mondialisation, concentration des négociants et développement du vin industriel, conscience environnementale…Jean-Max Manceau, vigneron (château de Noiré), président du syndicat des vins-ODG depuis 1999, mais également de la fédération des vignerons de Touraine, nous explique la stratégie de l’AOC dans ce contexte.

Qu'est-ce qui a changé à Chinon depuis une décennie ?

Chinon était à l’origine un vignoble avec des ventes pratiquement de proximité, dans les 200 kilomètres à la ronde, avec une culture mets-vins associés. La grosse évolution, c’est qu’on boit aussi nos vins maintenant à l’apéro, nos rosés, nos blancs, et on s’est ouvert vers la jeunesse aussi, en voulant se donner une image de vins très aromatiques, avec beaucoup de finesse et d’élégance, qui donnent du plaisir, ça a permis d’apporter une diversité. Le vigneron s’est aussi remis en cause, plutôt que de faire une cuvée « tradition » où on mélange les graves, les calcaires et les argilo-siliceux, un certain nombre se sont dits qu’il fallait aller plus loin, améliorer la qualité en revenant au travail de la vigne, en prenant en compte l’origine géologique. Ça nous a permis d’aller plus loin dans nos racines, tout en apportant une image assez moderne. Chinon avait à une époque une image de vin assez tannique, avec une certaine rusticité, on vous disait « on fait vraiment des vins de qualité, mais il faut que t’attendes cinq ans avant de les boire », mais certaines cuvées étaient passées au bout de cinq ans, ou c’était encore pas prêt ! Je pense que de ce côté-là on a vraiment clarifié le message. A une époque on avait la tradition d’élever dans des vieux tonneaux, qui n’apportaient pas vraiment de goût boisé, mais une micro-oxygénation, cependant associée à une ambiance un peu champignonée qui n’était pas toujours parfaite au niveau de la pureté du produit. Je pense qu’il y a eu une repmise en cause. Il y a aussi beaucoup de jeunes vignerons, ça veut dire que les entreprises se transmettent et ne sont pas à l’agonie, et aussi une volonté d’ouverture sur l’extérieur, aussi bien au niveau national qu’international. On ne veut pas faire des vins de Californie, ni de Bordeaux, même si certains vignerons ont essayé parfois. L’objectif est de rester dans nos racines, de les mettre en valeur.

Quelles ont été les évolutions majeures dans le travail de la vigne ?

Alors que nos parents ne regardaient que l’acidité et le sucre, et pas assez les pépins, les peaux, etc., maintenant c’est vraiment rentré dans les mœurs, ça a été sensibilisé il y a sept à huit ans, et c’est vraiment pratiqué par 75 à 80% des viticulteurs depuis trois ans. Mais ça a un effet paradoxal, cette année, un vignoble tenu correctement a des 13-13,5° sans problème, alors qu’avant la référence était à 12°. Ce n’est pas une volonté d’avoir plus de degré, mais d’avoir des tanins plus soyeux, que le consommateur recherche. Nos parents avaient l’habitude de l’amertume, ils mangeaient tous les jours des choses amères, acides, ça rentrait dans le contexte, mais maintenant c’est la génération sucre. On a aussi fait une étude de terroir très poussée, de 2006 à 2008, on a décrypté tous les sols, plantés ou potentiellement intéressants, avec un à quatre carottages à l’hectare, pour étudier la résistivité en eau, le sous-sol. Certains ont eu des suprises, par exemple en découvrant un socle calcaire en-dessous de cinq mètres de graves. La vigne se comportait plus comme une vigne de calcaire, alors qu’elle était gérée comme une vigne de graves ! De même pour les argiles, dont certaines ont un pouvoir tampon beaucoup plus important que d’autres, la surface est humide, mais la vigne n’en profite pas. Tout ça a permis d’adapter les gestes, le travail du sol, pour que le système racinaire descende où il doit aller, mais aussi l’enherbement : enherber ou pas, avec quelle herbe…Et puis on a déterminé aussi des seuils de rendement à ne pas dépasser : j’ai des graves qui ne doivent pas dépasser les 45 hl/ha, à 49 je suis foutu, l’idéal étant plutôt 42-43. Avant on disait : « cette année, il y a 50 hectos, et bien en prend… »

Comment ont évolué vos marchés ?

Le consommateur a évolué, la mondialisation a bouleversé les choses, mais on a des atouts forts, le monocépage cabernet franc, qui permet de simplifier le message tout en apportant la diversité géologique et humaine, et des vins qui ne sont pas lourds, pas fatigants, en finesse et en élégance. Il y a 30 ans, on frappait à votre porte en vous demandant si vous aviez du Chinon, on achetait à la barrique. Depuis les gens ont déménagé dix fois dans leur vie, ils bougent, et le relais a vraiment été la restauration. Les vignerons pionners sont sortis des 200 kilomètres et sont allés voir les restaurateurs, parce qu’ils savaient que c’était là qu’il y avait le point d’accroche entre la gastronomie et les vins : on peut boire un rosé avec des plats asiatiques, ça marche très bien, on peut se payer une tartine de rillettes sur le pouce, on trouve un Chinon qui convient, et on peut aller sur un grand plat, il n’y a pas de souci. D’autre part, il y a 15 ans, il n’y avait pas une bouteille de Chinon vendue aux Etats-Unis. On s’est déplacés un peu, ils sont venus à nous au travers du salon des vins de Loire, on a fait un travail de communication et de dégustation avec des agences, internet nous a beaucoup aidé pour transmettre des messages. Aujourd’hui, Chinon est la première appellation rouge de Loire vendue aux Etats-Unis. Ce qui marche là-bas, c’est tout ce qui a une notion de fruit frais, voire fruit macéré, liqueur de fruit, mais pas les vins tanniques et les grandes cuvées de garde sur calcaires élevées en barrique. Cependant les exportations ne représentent aujourd’hui que 7% de nos ventes, on a encore beaucoup de travail à faire, parce que la Loire a en majorité une image de vins blancs. La grande évolution, c’est aussi le rosé : avant pour le vigneron de Chinon, le rosé était un vin de « seconde catégorie », ça se faisait comme ça pouvait, la fermentation terminée, on clarifait, on mettait en bouteille, pas plus. Maintenant c’est plus du tout ça, il y a vraiment une remise en cause forte, qui a fait que la couleur est passée de 5 à 12-13% de nos ventes, certes grâce à un phénomène de mode, mais il y a des appellations voisines qui n’ont pas progressé comme ça.

Comment fonctionne la filière du Chinon aujourd'hui, et comment voyez-vous son futur ?

On n’est pas une grande appellation (2400 ha, 100 000 hl par an), on n’a pas fait le choix d’avoir une grosse coopérative, les plus gros propriétaires ont 120 hectares, ils restent sur une culture AOC. Actuellement, on est à 55-60% de vente par les propriétaires, et 45% de vente au négoce, avec aussi des vignerons négociants, qui sont valorisateurs. Pour le reste, le fait qu’il y ait un regroupement colossal du négoce, fait que Castel, quand il aura eu trois Chinon à sa carte, ne va pas en prendre 15, alors qu’avant on avait 40 négoces qui faisaient 40 Chinon différents. Les gros négociants veulent des vins souples, aromatiques, ils font encore du Chinon, mais j’ai l’impression que l’appellation les intéresse de moins en moins. Au 31 juillet dernier, nous avions 14 mois de stocks, rien d’inquiétant. Les cours allaient bien en 2008, 2009 a commencé à tanguer, avec vraiment de grosses disparités entre vignerons. Je suis très inquiet pour les vignerons concepteurs de vins pour le négoce, avec lequel il se fait des marchés à 110 ou 100 €/hl, en dessous du prix de revient qu’on situe à 130. Ça ne peut pas fonctionner longtemps, c’est l’outil de travail qui est remis en cause, le vigneron ne réinvestit pas… Il y a d’autre part beaucoup de vignerons qui avaient allié la vente au particulier, la vente aux restaurateurs, et qui avaient aussi des vignes pour vendre au négoce afin de diminuer les charges de structure, et qui se reconcentrent aujourd’hui sur leur clientèle, et se délestent de l’autre côté. Avec un négoce qui achète en dessous du coût de revient, on ne parle plus tout à fait le même langage. Si le négoce ne vend pas du Chinon, ce n’est pas son problème, il va vendre autre chose. Mais ils continuent à acheter car les consommateurs leurs en demandent, donc c’est à nous de créer la demande. On se dit que notre destin est vraiment entre nos mains. On va de plus en plus vers des vins industriels ou semi-industriels d’un côté, des vins vraiment de niche de l’autre, et Chinon est plutôt dans la deuxième catégorie.

Quelles modifications ont-elles été apportées à votre cahier des charges ?

On a réécrit nos cahiers des charges avec un profil plus « vert » : il n’y a plus de désherbage anti-racinaire, que du ponctuel parfois, et que sous le rang, le désherbage en plein est interdit ; on incite au travail sous le rang, ou alors on implante une herbe pas trop concurrente qui peut aller sous le rang avec des systèmes de tonte ; les tournières sont automatiquement enherbées, ou travaillées, mais surtout enherbées ; on a choisi des hauteurs de feuillage plus importantes, adaptées à la notion qualitative, et cette hauteur de feuillage incite à pratiquer de l’effeuillage en partie basse, donc à ventiler. On a résolu beaucoup de problèmes, le botrytis n’est pas un souci, avant c’était le facteur limitant au niveau de la maturité des récoltes, souvent les gens vendangeaient parce que ça pourrissait, sans chercher à se dire « c’est pas tout à fait mûr encore », maintenant chez un vigneron sérieux, c’est plus d’actualité. Il n’y a plus d’antiacariens, les typhlodromes sont introduits depuis longtemps ; on a encore des soucis de vers de grappe, mais on n’est pas une région très atteinte. Le bio se développe, on est en forte progression, avec 2% de certifiés, mais on va être entre 5 et 10% dans les trois à quatre ans qui viennent. L’étude de terroir a fait réfléchir à tout ça.

Quelles solutions avez-vous choisies pour l'agrément et pour le lien au terroir ?

L’agrément consiste en un prélèvement aléatoire (minimum 15%), le vigneron doit déclarer sa mise en bouteille, ou sa mise en marché si c’est un négoce qui prend en vrac. C’est l’avantage de la réforme, dont le but est d’être au plus près du consommateur : avant ça s’arrêtait chez le vigneron, maintenant on continue chez le négociant, parce qu’il peut mélanger quatre vignerons différents pour faire une cuvée. Ça râle un peu, il y a des vins dégustés en bouteille, et s’il y a un bémol, ça veut dire qu’il faut déboucher le vin pour le rectifier, ou alors il est non rectifiable, donc il y a des coûts engagés, et ça coince pour certains. Mais on prépare les mises en bouteilles de façon encore plus pointue. Je trouve que c’est positif. En général, un vigneron qui fait deux ou trois mises par an est prélevé au moins sur une mise. Mais si un vigneron a des bémols au niveau du vignoble, son vin est largement plus susceptible d’être prélevé ensuite. Le système est moins lourd qu’avant : avant on dégustait 100% des vins pour en écarter 2% ; aujourd’hui on en écarte toujours autant mais on n’en déguste que 10%-15%, et ça responsabilise plus le vigneron. Enfin, on a écrit le texte du lien au terroir, mais on n’a pas voulu rentrer dans le jeu du « mon vin va avoir le goût de framboise, de mûre ou de violette » parce que ça veut dire que n’importe qui va dire « voilà, moi j’ai un cabernet franc, il a un goût de violette, donc je dois m’appeler Chinon ! » On a mis des termes très généralistes, en disant que les Chinon sont plutôt de tendance fruit rouge, et on a surtout insisté sur les variations de millésime en fonction des données climatiques. On est d’accord pour défendre juridiquement notre appellation, mais qui peut mieux dire qu’un syndicat de vignerons que ce vin-là a vraiment la gueule de l’endroit ? Dire que c’est la violette qui dit qu’il a la gueule de l’endroit, non !

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