Revue de presse n°99 : Rendez-vous panthéoniques

ovembre est le mois des rendez-vous panthéoniques. Tandis que les Bourguignons célèbrent le succès de la 150ème vente aux enchères des Hospices de Beaune, le Wine Spectator livre, lui, son Top 100 annuel des meilleurs vins, lesquels sont cette année, au goût des dégustateurs du magazine américain, majoritairement domestiques. Labourant le sillon du territoire, de la géographie et du savoir-faire, la Moselle et l’Auvergne peuvent à leur tour s’enorgueillir de s’inscrire dans l’infini catalogue des appellations d’origine. Sur France Culture, dans l’émission la Fabrique de l’histoire, on débat toute la semaine du repas gastronomique des Français, confirmant notre réputation. On ne se refait pas. Bonne semaine. Catherine Bernard

La vente des Hospices de Beaune n'est pas que ce que l'on croit

La vente aux enchères des Hospices de Beaune n’est pas qu’une vente de charité smart. L’événement annuel, dont s’est déroulée la 150ème édition le week-end dernier, est à la Bourgogne ce que la vente en primeur est à Bordeaux, un rendez-vous de la profession, une estimation du millésime, un temps fort sinon de vente, au moins de resserrement des liens entre les vignerons, les négociants et leurs clients. Ce n’est pas nouveau, néanmoins, pour je ne sais quelle raison, c’est ce qu’en a retenu cette année la presse. Grâce au site bourgognelive, on peut voir ou revoir l’émission de France 3 Bourgogne diffusée le 21 novembre, et ainsi comprendre l’enjeu et la dimension de cette vente. Y sont réunis outre les vignerons des Hospices, le journaliste Laurent Gotti, les négociants, des comédiens, dont le président de cette année, Fabrice Lucchini. Jacques Berthomeau s’est, lui, intéressé aux propos des représentants du négoce et de l’interprofession au cours de la conférence de presse donnée le dimanche matin, se livrant à une analyse du marché. Il en arrive à ces conclusions: « En ce sens la Bourgogne, avec son négoce très impliqué dans le vignoble, vecteur de notoriété par son portefeuille de clients, constitue une sorte de laboratoire pour le positionnement des vins français sur les marchés en développement. (...) La sagesse bourguignonne, son approche « modeste » et terrienne, devraient faire réfléchir d’autres régions françaises qui avec des pratiques tarifaires dignes du plus bas que bas de notre marché domestique risquent de « pourrir » l’image des vins français sur le marché chinois ». Car comme Bordeaux au printemps, la Bourgogne a profité de cette 150ème vente pour draguer les Chinois « à l'honneur pour tenter de séduire ce marché au "formidable potentiel" pour les vins de Bourgogne », nous apprend l’AFP. Enfin, dans une petite vidéo, Bourgognelive, encore, rappelle ce que sont les Hospices de Beaune. Le dernier des 60 hectares de cette propriété unique en son genre est un leg d’une parcelle dans l’appellation Santenay fait cette année par un Américain « pour avoir une cuvée au nom de sa maman ». Toujours grâce à bourgognelive, pour ceux qui n’y étaient pas, il y a la vidéo de la vente de la pièce du président, arrachée à la somme record de 400 000 euros. On y voit Fabrice Lucchini se livrer à un one-man-show qui décoiffe et enthousiasme la salle, et manifestement la toile. La vidéo a été visionnée 25 000 fois en 48 heures, commente le site bourguignon. Dans leurs compte-rendus, les quotidiens éonomiques La Tribune et Les Echos soulignent que « les prix sous le marteau des vins rouges progressent de 12,55%, et les vins blancs de 15,70% », et s’interrogent : « Reste à savoir comment si ces enchères constituent un réel baromètre sur le marché du détail en France, compte tenu de son rayonnement international et de la position dominante des professionnels lors de cette vacation ».

La Moselle et l'Auvergne décrochent leur appellation

Les vins de Moselle ne sont plus petits comme dans la chanson. « Depuis quelques jours, l’INAO (Institut National de l’Origine et de la Qualité) a accordé l’Appellation d’Origine Contrôlée (AOC) aux Vins de Moselle ! Une magnifique récompense pour les 26 viticulteurs repartis dans 18 communes viticoles de Moselle et une en Meurthe-et-Moselle », tambourine obiwi.fr. « Il y a actuellement 60 viticulteurs en Lorraine. Les Côtes de Toul en comptabilisent à elles seules presque la moitié avec 29 exploitants. Ce vignoble est en effet le plus réputé de notre belle province. », poursuit le journaliste, manifestement un brin chauvin. Dans cette course au finish après la réforme de la hiérarchie des vins, les Côtes d’Auvergne décrochent aussi l’appellation. « Le vignoble des Côtes d'Auvergne a obtenu mardi l'appellation d'origine contrôlée (AOC), devenant le deuxième vin auvergnat à en bénéficier », peut-on lire sur le site du Parisien. « On rentre dans la cour des grands, on va surfer sur la notoriété des appellations, ce qui va nous ouvrir de nouvelles perspectives, pourquoi pas à l'export, dans un contexte économique difficile », claironne aussi Jean-Pierre Pradier, président du syndicat. Ainsi, la France n’est pas prête de renoncer sinon au terroir, du moins à l’idée du terroir.

Le Top 100 du Wine Spectator : majoritairement américain

Depuis 1998, le magazine américain Wine Spectator couronne les 100 meilleurs vins de l’année. Ce palmarès « reflète, selon la rédaction en chef du magazine, les tendances, met en lumière les régions qui sortent du lot, ainsi que les vignerons de renom ». En 2010, le Wine spec a sélectionné 15 800 vins, oui 15 800, « A plus de 3 900 a été attribuée des notes supérieures à 90 sur 100 ». Pour établir son palmarès, le magazine dit « avoir retenu les critères de qualité (la note), de valeur et d’accès à la vente », mais reconnaît qu’au final, les vins retenus « sont le reflet des choix des dégustateurs du magazine et de leur passion pour les vins dégustés ». Résultat des courses, les vins américains se taillent la part du lion. Sur les vingt premiers, quatorze sont américains, deux australiens, deux portugais, un italien, et un français, Clos des papes blanc arrivé en 10ème position. La proportion est à peu près la même pour les 50 premiers. Les quatre français ((Château de Beaucastel Hommage à Jacques Perrin 2007, Domaine le Colombier Vacqueyras Cuvée G 2007, Château de Flaugerges Coteaux du Languedoc La Méjanelle cuvée sommelière 2007) parmi les 50 premiers sont des vins du sud, assez proches des vins californiens. Est-ce à dire que l’étau du goût se resserre ? A moins que le Wine Spectator devienne stricto sensu un magazine américain. Dans les deux cas, il n’y a pas matière à se réjouir.