Newsletters
Magazine
Article réservé aux abonnés 
a micro filtration tangentielle (MFT), largement utilisée dans l'industrie des boissons, a plus récemment été développée pour les vins. Depuis une vingtaine d'années, des progrès considérables ont été réalisés pour adapter les membranes à la spécificité du vin et, aujourd'hui, les résultats obtenus sont probants. Malgré un coût bien supérieur à celui de la filtration sur terre, la MFT gagne du terrain dans les caves.
«Au début, je ne voulais même pas en entendre parler. Une filtration à 0,45 microns, je pensais que cela appauvrirait trop les vins. Mais en dégustant les produits, j’ai été convaincu. En plus, il y a des applications intéressantes sur les vins contaminés par les Brett. Aujourd’hui c’est un procédé de filtration que je recommande », témoigne l’œnologue audois Jacques Trannoy. Même constat pour Sandrine Boesch de l’ICV : «Les fabricants ont fait de gros efforts pour améliorer leur matériel. Au départ, ces membranes mises au point pour l’eau et les jus de fruits, retenaient les polysaccharides et les polyphénols du vin, mais aujourd’hui, la micro-filtration tangentielle est très performante ». Conséquence des progrès réalisés par les équipementiers, les investissements en filtre tangentiel se multiplient dans les caves. Dans l’Hérault, les caves coopératives de Pomerol et Puilacher se sont équipées conjointement cette année. Tout comme le négociant Terroir du Sud à Poussan, le groupement coopératif l’Occitane à Servian a également investi cette année dans une impressionnante installation de 18 modules (près de 400 m2 de surface filtrante). La cave de Cers-Portiragnes sera équipée d’ici les prochaines vendanges. Un engouement justifié par les multiples avantages de ce procédé de filtration par rapport à la traditionnelle filtration sur terre.
Les avantages de la MFT1) La MFT permet d’obtenir en un seul passage des vins pré-mise. « Pour avoir le même résultat avec une filtration kieselguhr, il faut deux voire trois passages pour les vins les plus chargés. Les vins sont donc moins traumatisés », affirme Sébastien Guilhaumou, ancien caviste qui s’est lancé dans la MFT en prestation de service 2) Les installations MFT sont entièrement automatisées : elles peuvent fonctionner en continu 20h/24. Les frais de personnel sont donc réduits par rapport au filtre à terre, qui exige de surcroît une certaine technicité des opérateurs. Même les opérations de nettoyage sont entièrement automatisées. 3) La MFT fonctionne sans adjuvants à l’exception des produits de nettoyage. Cette filtration élimine donc l’épineux problème des déchets de filtration sur terre, déchets polluants que les caves sont tenues de traiter. 4) La MFT est capable de traiter même des vins très chargés comme les rouges issus de thermo-vinification ou de flash-détente qui sont difficiles à filtrer. En revanche, le débit de filtration sera beaucoup plus faible. « Avec les blancs et les rosés, nous avons un débit de 120 hl par heure avec notre filtre de 130 m2 (6 modules). Ce débit tombe à 30-40 hl//h quand on filtre nos rouges issus de thermo ou de flash », témoigne Joël Julien, le directeur de la cave de Pomerol. 5) Les pertes sont minimes. «Avec un filtre à terre, les pertes en vin se situent entre 0,5 à 2% du volume traité, estime Sandrine Boesch. Avec la MFT, elles ne sont plus que de 1% à 0,1%, voire 0,01% si on concentre le rétentat». 6) La MFT est également intéressante pour l’élaboration de vins moelleux. « Au lieu d’édulcorer nos vins après fermentation alcoolique, nous arrêtons les fermentations par la MFT alors qu’il reste encore 10 à 15 g de sucres résiduels. La MFT fonctionne même si les vins sont encore très chargés », soutient Joël Julien. L’édulcoration est également possible après MFT puisque la filtration retient la quasi-totalité des germes. 7) La MFT permet le pilotage des fermentations malo-lactique. « Nous mettons les vins au propre dès la fin de la fermentation alcoolique avec une filtration qui élimine quasiment toutes les levures et bactéries. Nous pouvons ainsi parfaitement piloter la fermentation malo-lactique en ensemençant avec des bactéries sélectionnées. La maîtrise du départ de la malo offre également plus de souplesse pour le micro-bullage. Auparavant, les vins partaient souvent en malo avant que nous ayons fini le micro-bullage. Et après malo, le micro-bullage est moins efficace. Avec la MFT, nous maîtrisons le départ de la FML. Sans ensemencement en bactéries lactiques, la FML ne démarre pas », souligne Joël Julien. 8) Les vins sont prêts plus tôt. « C’est un avantage concurrentiel non négligeable de pouvoir présenter au plus tôt des échantillons limpides et propres à nos acheteurs vrac. Les vins se dégustent beaucoup mieux. Même pour nous, c’est appréciable de pouvoir travailler sur des vins filtrés, on perçoit mieux et plus rapidement le profil aromatique des nos différentes cuves, ce qui permet d’être beaucoup plus pointu dans le travail d’assemblage », soutient Joël Julien. « Sur le marché des vins vrac, les acheteurs demandent de plus en plus souvent les vins filtrés. Quand on est capable d’offrir ce service, les vins sont retirés plus vite », observe Gérald Santacru, directeur technique du groupement l’Occitane. Même son de cloche chez Pall, où Jean-Yves Deyras, Chef des Ventes Vin et Spiritueux, témoigne : "J’ai l’exemple d’un client en Provence qui a investi dans la MFT pour stabiliser ses vins rosés, qui a ainsi gagné 15 à 20 jours sur ses concurrents ; cela veut dire des parts de marché et un amortissement plus rapide de l’investissement que représente l'achat d'un filtre tangentiel."
Les inconvénients de la MFTIl reste cependant quelques freins au développement de cette technique de filtration. En premier lieu son coût : il faut compter environ 50 000 € pour un filtre de 30 m2 de surface filtrante, 120 à 130 000 € pour un 100 m2. « En ce moment, il y a une très forte concurrence entre les fabricants, les marges de négociation sont importantes », assure Joël Julien. En prestation de service, le coût de la MFT est d’environ 3,5 €/hl contre 1,5 €/hl pour une filtration sur terre mais qui nécessite deux passages. Au final, le surcoût est d’environ 0,5 €/hl. Outre la mise en marché plus précoce des vins et les économies réalisées sur les pertes de vin, la rentabilité de l'investissement dans un système de MFT a bénéficié d'aides publiques :"la MFT a bénéficié d’aides de l’Union Européenne et de FranceAgriMer, qui ont soutenu son essor en France. Ces dernières sont suspendues depuis mars 2010 et jusqu’en novembre, pour cause de demande trop importante. Ces demandes ont émané de structures importantes, et notamment de caves coopératives, mais on constate beaucoup de demandes sur des moyenne et petites structures, avec notamment des cas de vignerons en CUMA, qui investissent à plusieurs dans un système de MFT", souligne Jean-Yves Deyras, chez Pall Autre handicap, la MFT a un coût énergétique important. Son bilan carbone n’est pas non plus très performant, la fabrication des membranes pesant très lourde dans ce bilan. Enfin, la consommation d’eau est également importante. Certaines installations prévoient jusqu’à 6 h de cycle de lavage. Il faut compter de 2 à 5 litres d’eau consommé par hl de vin filtré. «Les fabricants travaillent sur ces deux points faibles et devraient pouvoir proposer dans un proche avenir des produits plus performants en termes de bilan carbone et de consommation d’eau », affirme Sandrine Boesch. Il faut également savoir que les membranes de certains filtres s’endommagent si on les utilise sur des vins récemment traités à la bentonite ou au charbon. « Ce point a été déterminant dans notre choix de matériel. Les membranes Pal peuvent être utilisées sur des vins traités à la bentonite, ce qui n’était pas le cas des autres matériels que nous avons testés », précise Joël Julien. La résistance des membranes Pall est telle que Pall a incorporé de la bentonite dans ses filtres tangentiels, pour en savoir plus, cliquez ici.
Un process pour filtrer les bourbesCertains fabricants ont travaillé sur des dispositifs permettant d’utiliser le filtre tangentiel pour le traitement des bourbes. C’est le cas du Flavy FX de Bucher Vaslin. Le process consiste à traiter les bourbes en deux étapes : - une pré-filtration sur un pré-filtre à tambour rotatif pour éliminer les grosses particules, - la filtration proprement dite avec un filtre tangentiel équipé de membranes adaptées. « On obtient des moûts bien clarifiés, constate Sylvain, œnologue des Vignobles Maurel qui l’a testé cette année. Le débit est bien sûr beaucoup plus lent que sur vin. En travaillant un maximum de 10 h par jour car il faut prévoir du temps pour le lavage, on peut traiter 20 à 30 hl par jour sur le Flavy FX3 ». Le coût reste cependant élevé car il faut prévoir un jeu de membranes spécifique, ce qui surenchérit l’investissement pour le traitement des bourbes qui représentent des volumes limités et une utilisation durant la seule période des vendanges. SIVA a cependant également mené à bien une réflexion pour incorporer un système de filtration qui étend la compétence de la filtration tangentielle à la filtration des bourbes (pour en savoir plus, cliquez ici).
La nécessité d'essais préalables« Dans tous les cas, avant de s’équiper, il faut faire des essais sur site. Un type de matériel peut convenir à une cave mais pas à une autre. C’est à l’utilisation que l’on peut juger des trois paramètres les plus importants : les débits qu’on peut atteindre sur les vins qu’on a en cave, le rendu gustatif, et la facilité d’utilisation de l’automate», préconise Sandrine Boesch.
Retrouvez le matériel et les services dédiés à la filtration sur le Salon Virtuel de Vitisphere
