es mêmes font encore l'actualité cette semaine : les faux pinots audois dont les protagonistes ont été condamnés par le tribunal correctionnel de Carcassonne et la Chine, championne de la contrefaçon et nouvelle consommatrice de vin, et aussi nouvelle productrice. Le monde du vin paraît englué dans une réalité en total décalage avec l'idéal véhiculé. La mise au jour cette semaine d'un pressoir de l'époque byzantine montre que le vin a toujours voyagé, et en conséquence de quoi a sans doute toujours été, à l'occasion de ces voyages, l'objet de trafics en tout genre. Bonne semaine.
Catherine Bernard
On notera avant toute chose que le silence de la presse professionnelle viticole française sur l’affaire des faux pinots noirs de l’Aude jugée le 16 février paraît d’autant plus assourdissant qu’elle est éclaboussante dans la presse étrangère, grand public et professionnelle. Donc, au cas où cela nous aurait échappé, Decanter, le Wine Spectator, Jancis Robinson, le Times, Drvino, le New York Times (cette liste n’est pas exhaustive) rapportent le jugement rendu et en commentent ses conséquences. On notera aussi que des douze prévenus, les Sieurs d’Arques à Limoux, la coopérative par laquelle s’est faite la commercialisation et condamnée à 180 000 euros d’amende, et Gallo, l’acheteur des faux pinots noirs, blanchi pour avoir plaidé l’innocence, apparaissent comme les deux grands « éclaboussés ». Charles Bremner, correspondant du Times à Paris, rappelle que cette affaire met à mal «la confiance ». Reprenant les propos du procureur de la République, il écrit : « Si les Américains perdent confiance dans les producteurs de vins français, particulièrement languedociens, lesquels traversent déjà une crise grave, les conséquences seront terribles ». Bremner reprend aussi le communiqué de presse de Gallo plaçant lui aussi « la confiance » au coeur de l’affaire : « Gallo va tout mettre en oeuvre pour restaurer la confiance dans ses produits ». C’est aussi de « confiance » dont parle Jancis Robinson dans son blog : « A quoi pensait Gallo en achetant ces raisins ? » Les reportages de France3 laissent entendre que le jugement ne clôt pas l’affaire. La chaîne de télévision chute avec les commentaires d’un journaliste spécialiste du milieu viticole : « Ce n'est effectivement pas bon pour l'image. Cela crée la suspicion. Lorsque l'on se penche sur les dix ou vingt dernières années, les viticulteurs ou négociants français ont très rarement été pointés du doigt pour des fraudes de cette ampleur. Mais les rares fois où cela s'est produit, la résonance a été terrible ». Blanchi par le tribunal, Gallo ne l’est toutefois pas dans sa réputation. Un bloggeur du quotidien La Croix reprend les grandes lignes de l’article publié par Guy Woodwar dans le Guardian, soulignant à propos de Gallo : « Selon lui, la société américaine avait « maladroitement » tenté d’exploiter le succès du film Sideways pour vendre du pinot français sous la marque « Red Bicyclette » et « le fait que ses acheteurs n’aient pas fait la différence entre pinot, merlot et syrah, ne parle pas en faveur du professionnalisme de Gallo ». Plus sûrement encore, reprenant une information de l’AFP, France 3 rapporte que Gallo n’est pas seule entreprise américaine à avoir cédé à cette tentation : « Le jugement a aussi mentionné le groupe Constellation comme un des clients américains de la société Sieur d'Arques dans le cadre "d'un marché important (...) portant sur une quantité significative" de cépage pinot ». Attendons nous donc à ce qu’il y ait à cette affaire une suite.
La Chine copiera-t-elle le vin comme elle copie le reste ?La presse n’échappe pas aux pièges tendus par le marketing, cette fois celui de la société Dynasty qui, dans le cadre d’une opération de communication assez réussie, a dû inviter quelques journalistes à voir comment on fait du vin en Chine, sur le thème assez alléchant : « Le vin chinois, un nouveau concurrent pour le vin français ». Sans sourciller, Claire Fournier, animatrice de l’émission de consommation C’est notre affaire, raconte comment, « avec la collaboration de grandes maisons françaises, ils se mettent à faire des vins de toutes sortes de qualités afin de conquérir le marché asiatique ». On apprend au fil de l’émission que les dites grandes maisons françaises sont en l’espèce et en l’occurrence, Rémy Martin, partenaire du consortium Dynasty, Les journalistes de Terre de vins ont eux aussi vu l’émission et commentent : « Au-delà de la surprise pour beaucoup d’entre nous de découvrir une Chine productrice de vin, il convient de se rassurer pour une part en se disant que la qualité n’est pas au rendez-vous ». Visiblement, les bloggeurs de Findawine étaient du voyage avec l’animatrice télé. Avec une chronique titrée « Et la Chine créa son vin », ils achèvent une série dédiée à l’empire du Milieu et écrivent : « Quelques viticulteurs sont partis s’expatrier en Chine pour y apporter leur expertise et expérience. Par exemple, la Sino-française Joint Venture Winery Ltd élabore le Dynasty qui est considérée par certains dégustateurs comme un des meilleurs vins de Chine mais pourtant encore très en-deça des classiques étrangers ». Après une analyse assez fine du « copié-collé » chinois et de la passion locale pour la « copie » et les « faux », les bloggeurs dégonflent la baudruche posée en titre : « Pourquoi pas imaginer un Château d’Yquem made in Chengdu, grande ville agricole chinoise. Pourtant un tel scénario est peu probable. La viticulture est un art délicat et un grand vin est la résultante de nombreux paramètres: Vigne, sol, climat… Autant de paramètres qui sont pour la plupart inexportables ». Cette semaine aussi, sans que les images soient sourcées, la BBC diffuse sur son site une série de photos sur la production de vin en Chine, décidément bien à la mode. On y voit des chais à barriques à lumière caramel, des vendanges manuelles avec tracteurs et caissettes, des jeunes femmes habillées en rose qui font tourner un verre de vin, toutes choses qui ont « copié-collé » un air de chez nous, à l’exception d’une montrant des femmes à une table de tri. Que dis-je, une table de tri ? Une chaîne de tri, avec des dizaines de petites mains.
Ce que dit le pressoir byzantinLa mise au jour du passé, en l’occurrence cette semaine, un pressoir daté de l’époque byzantine, près de Jérusalem, a toujours quelque chose d’émouvant, car ces vieilles choses disent la rémanence. C’est sans doute la raison pour laquelle ces informations, au-delà de leur réelle portée historique et scientifique, sont beaucoup reprises par les media. « Des archéologues israéliens ont annoncé lundi la découverte dans le sud du pays d'un pressoir à vin vieux de plus de 1.400 ans de forme inhabituelle, dont la taille et la complexité technologique seraient peu communes pour l'époque. Ce pressoir octogonal de 6,5m sur 16,5m a été mis au jour à environ 40km au sud de Jérusalem et de Tel Aviv, dans une région qui faisait partie à l'époque de l'Empire byzantin, le nom donné à l'ancien Empire romain d'Orient », annonce l’agence Associated Press reprise par les moteurs de recherche. Les archéologues nous apprenent que « le vin était probablement destiné à l'exportation vers l'Egypte, un important marché à l'époque, ou l'Europe, a précisé l'archéologue israélien. "La taille du pressoir à vin atteste du fait que la quantité de vin qui y était produite était exceptionnellement importante et n'était pas destinée à la consommation locale". Ainsi allait, va, ira la route mondiale du vin.