vec 45,7 millions d'hectolitres, la France redevient en 2009 le premier producteur mondial de vin. Cela n'empêche pas la crise de s'installer. Le Beaujolais nouveau n'a manifestement pas remporté le succès escompté malgré l'annonce d'un millésime exceptionnel et les viticulteurs du Languedoc ont renoué avec la violence et les grandes manifestations. Un ennui ne venant jamais seul, le palmarès annuel du Wine Spectator fait une toute petite place aux vins français. Le réchauffement climatique guette le vignoble. Pendant ce temps, le vin se déploie en Espagne. A la semaine prochaine.
Catherine Bernard
Le millésime 2009 avait été annoncé comme exceptionnel. Manifestement cela n’a pas suffi à réconcilier les Français avec le Beaujolais nouveau, 40 millions de bouteilles. Le quotidien Le Progrès se fait ainsi, après la fête, l’écho de l’inquiétude de vignerons. Voici ce que dit Didier Rageot, chef de cave au château de Chénas, qui a refusé une proposition de prix du négoce trop basse : « Nous allons essayer de travailler différemment. Nous avons 50 hectares de beaujolais villages que nous allons vendre hors primeur. Comme cette année les vins sont suffisamment charpentés, nous les commercialiserons sur un an et demi. Le négociant a eu le culot de rappeler une semaine plus tard en maintenant ses prix : nous avons refusé catégoriquement de brader nos vins ». Un autre, Jean-Luc Ducruix, jeune vigneron à Beaujeu : « De toute façon, au prix annoncé, je ne sais pas si j'aurais accepté, confie-t-il. Je travaille avec un négociant qui d'habitude retient la moitié de la cave, mais avec ce qui se passe cette année, c'est différent ». Cela ne va guère mieux en Languedoc. « Mercredi soir, un engin explosif a endommagé la façade de la société Trilles à Maureilhan, près de Béziers. Le souffle de la bombe n’a pas touché l’outil industriel de ce centre d’embouteillage des vins. L’acte, revendiqué par le comité régional d’action viticole (Crav) est symbolique. Il visait une société filiale du groupement coopératif Val d’Orbieu, propriété de 3 000 vignerons languedociens. Pourquoi une telle cible ? Les activistes du Crav s’en sont expliqué au cours d’une conférence de presse organisée la même nuit », lit-on dans Midi Libre, qui diffuse, dans le même temps, comme s’il s’agissait de deux mondes –ce qui l’est d’une certaine manière- deux reportages vidéos tournés chez deux vignerons qui n’ont pas l’air de se plaindre, eux, de la crise-. On remarquera que le Crav s’inspire des méthodes des nationalistes corses conviant la nuit les journalistes à leur spectacle. Les échos de la manifestation son arrivés jusqu’en Belgique (Litre sur le site de la Libre Belgique), violences comprises.
Palmarès annuel du Wine Spectator : mauvaise piocheComme chaque année, le Wine Spectator a dressé sa liste des 100 meilleurs vins. Ce Top 100 épouse, bon an mal allant la tendance des ventes. On ne compte dans ce Palmarès que 13 vins français. Le premier français, Domaine du Vieux Télégraphe, appellation Châteauneuf du Pape arrive troisième. Sur les 13 autres vins, cinq viennent de la vallée du Rhône, trois de Bordeaux, un de Bourgogne, un de Champagne, un de Cahors, un du Roussillon, un du Languedoc. Pour information, le « meilleur vin du monde 2009 » est un rouge du district of Columbia, Columbia Valley Reserve, 2005 à 27 dollars
Le réchauffement climatique commence à sérieusement inquiéterA quelques jours du sommet de Copenhague, le réchauffement climatique s’invite au Salon des vignerons indépendants. Parmi d’autres, le site environnementaliste actu-environnement.com souligne : Greenpeace et l'association des Vignerons indépendants de France appellent le gouvernement français à faire preuve d'exemplarité et d'ambition à la conférence internationale sur le climat. ''Nous comptons sur la France pour être leader dans les négociations car les choses évoluent très vite dans nos terroirs'', explique Michel Issaly, président des Vignerons indépendants de France. Moins glamours que Greenpeace avec sa campagne de photos mais peut-être plus justes, les Belges ont distribué ce samedi à l’occasion de la « journée annuelle de l’arbre » des « essences d’arbres, d’arbustes et des pieds de vigne ». L’accent est mis cette année sur les conséquences du réchauffement climatique : « Dans le prolongement de la journée de l'arbre, la locale Ecolo de Jemeppe-Sur-Sambre, organise une distribution de pieds de vigne pour sensibiliser la population à la question du réchauffement climatique », informe le site Que Faire . L’information a été relayée par presque tous les journaux. A cette occasion, le quotidien de la Libre Belgique consacre un article à ses conséquences sur le vin.
L'Espagne cultive la culture du vinOn aurait peut-être intérêt à s’inspirer des Espagnols. Le blogueur le plus prolifique du vin, Jacques Berthomeau, nous livre cette semaine un texte intéressant de Vincent Pousson () , amateur averti et observateur subversif. Que dit Vincent Pousson ? « C'est anecdotique, je sais, mais essayez de revoir en accéléré Vicky Christina Barcelona (ndlr : le film est de Woody Allen) à cette vitesse, vous ne perdrez pas grand chose de l'intrigue et vous éviterez en plus les clichés américains sur une Catalogne à laquelle ils prêtent un accent andalou… Non, là, il s'agit juste de compter le nombre de fois où les acteurs portent à leurs lèvres un verre de vin ». Il poursuit : « Oui, ici, à Barcelone, on boit ! Et pas seulement à la façon des Anglais débarqués des charters pour enterrer leur vie de garçon en pissant sur les murs d'El Born. À Barcelone, on boit du vin ; rendez-vous compte, ici, ce n'est pas même un poison, Big Brother is NOT watching you ! Alors, bien sûr, la capitale catalane ne conteste pas encore la primauté économique de Londres en matière de wine business, mais tout montre que dans « la ville des prodiges » notre boisson préférée a le vent en poupe : de produit traditionnel, elle s'est transformée en objet à la mode. Car, même si comme en France la consommation globale baisse (surtout à cause du vin de table), il suffit de se balader dans les rues des quartiers qui bougent (l'Eixample, Gràcia et la vieille ville notamment) pour constater l'ouverture d'établissements, bistrots ou restaurants, dont les vitrines ne font pas mystère de leurs amours œnophiles (sincères ou pas…) ». Hasard ? La Rioja a réuni la semaine dernière les plus grandes pointures de la critique du vin pour la première édition du colloque « Wine future ». Baudouin Havaux, journaliste à la Libre Belgique, –encore les belges- en propose dans son blog une synthèse intéressante, tel ce face à face entre Jancis Robinson, critique britannique du Financial Times et Robert Parker. Manifestement, le temps des gourous n’est pas mort. Parlant de la dégustation conduite par Robert Parker, Baudouin Havaux remarque : « Dans un silence religieux, 530 privilégiés ont assisté à cette grande messe ».



