près le coup de chaud des dernières semaines, la récolte des raisins destinés au rosé ne pourra pas attendre partout d’éventuels orages. Comment faire un bon rosé avec des raisins contractés par la chaleur sèche ? Gilles Masson, Directeur du Centre d'expérimentation et de recherche sur le vin rosé, remet la météo à sa place et rappelle les solutions à la disposition des producteurs, de la vendange à la vinification.
Comment fait-on un rosé au sortir d'une période de canicule ?Peut-on vraiment parler de canicule ? Certes, Il y a eu un coup de chaud la semaine dernière mais est-ce si exceptionnel ? 2003 a fait date avec une canicule avérée. Je ne sais pas si on peut parler de canicule pour 2009. Jusqu’à il y a 2 ou 3 jours, j’aurais parlé d’une année proche de 2007, en tous cas en Provence. On a bien constaté depuis quelques jours une accélération très forte des prises de degré dont les vignerons disent qu’ils n’avaient jamais vu ça ; il s’est bien passé quelque chose, mais de là à parler de canicule…
Quels sont les effets d'un coup de chaud prolongé sur les raisins ?Une forte chaleur provoque une maturation accélérée des raisins, avec des maturités alcoolique et phénolique qui grimpent en flèche, une détérioration de l’acidité et éventuellement un début de dessèchement ; elle peut également se traduire par un blocage de maturité avec un déficit dans l’accumulation des sucres et dans la synthèse des polyphénols. Face au même stimulus, la chaleur, la plante peut développer deux réactions antagonistes. Mais on peut agir sur toutes les conséquences (sucre, acidité et couleur) durant la vinification. Il est intéressant de noter que certains cépages bloquent plus facilement que d’autres à la chaleur. Cette sensibilité est fonction de leur fonctionnement physiologique. Le Grenache, contre toute attente, craint beaucoup le sec, beaucoup plus que le cinsault, par exemple. La syrah et le mourvèdre peuvent également poser problème en cas de chaleur, davantage que le cabernet sauvignon par exemple. Ce n’est pas une question d’acclimatation, mais bien de fonctionnement physiologique : le pinot ne bloque pas autant que le grenache, par exemple.
Quelles sont vos recommandations aux vignerons qui voudraient faire du rosé alors que sévit une vague de chaleur ?Le vigneron qui veut faire du rosé en fera, quelle que soit la durée de la vague de chaleur. De la vendange à la vinification, on peut agir sur toutes les conséquences de la chaleur sur le raisin pour faire un bon rosé. En 2003, nous avons fait de très bons rosés… Il y a deux types de solutions, que l’on peut combiner. Il y a d’une part la décision de faire faire les analyses en vue de la récolte assez tôt pour pouvoir avancer la vendange de quelques jours ou semaines et éviter que les degrés montent en flèche. Si on a déjà un fort mûrissement et de grosses doses de couleurs extractibles, on récolte le matin à la fraiche et on est très précautionneux sur les triturations et la durée de macération, surtout si on souhaite produire un rosé pâle. Ou alors on choisit de faire un rosé plus foncé. Quant à l’alcool, si on monte à 14°, soit on assume un fort degré soit désalcoolise. Une autre conséquence à ces accélérations de maturité est la baisse d’acidité liée à la détérioration de l’acide malique. Là encore, la vinification offre des solutions pour préserver le peu d’acide malique encore dans les jus. La plus évidente est de ne pas faire de fermentation malo-lactique. On peut également injecter un peu de nerf à un rosé trop mou en acidifiant par tartricage. En Provence, il y a eu quelques récoltes précoces, mais nous sommes habitués à la chaleur et nos procédures régulières de récolte et de vinification en tiennent compte : pour rentrer un vendange fraîche, nous vendangeons la nuit et en ce qui concerne les triturations et le contact entre les jus et les peaux, nos producteurs sont des habitués du pressurage direct, il est difficile de faire plus rapide…