e déroulait le week-end dernier à Nuits-Saint-Georges la 16ème édition du festival oenovideo, festival international des films sur la vigne et le vin. Trente un film ont été projetés, des longs et courts métrages, des documentaires et des fictions, français et étrangers. Comme la presse et les livres, les films véhiculent un imaginaire, un discours et au bout du compte une certaine idée du vin. Je ne sais si c'est le biais de la sélection ou bien reflet de la production actuelle, mais les films présentés aux festivaliers ? peu nombreux à s'être enfermé dans une salle pendant ce week-end à rallonge- portaient tous, peu ou prou, la marque d'une certaine forme de romantisme, voire de la nostalgie, soulignée par des images de vignes léchées et des musiques tendance sirupeux. Il y a matière à s'en réjouir. Tant que le vin inspirera des sentiments, il restera un produit pas comme les autres dont la consommation n'est pas exclusivement soutenue par le marketing. Il y a aussi matière à regretter. Rien des interrogations et des débats qui traversent le vin ne vient crever l'écran du discours. Le beau n'est pas toujours vivant. Je vous propose une sélection de quatre films.
Ce long métrage a remporté le Trophée Spécial du Grand jury présidé par le cinéaste Marc Rivière. Il fait exception dans la sélection. La seule musique qu'on y entend est celle de vieux Géorgiens chantant dans une cuisine le vin, a capella, comme les Corses et les Basques chantent leur pays. « Il faut le vivre ce chant» dit celui qui les dirige. Pierre Goetschel, par ailleurs producteur de l'émission Nuits magnétiques sur France Culture, connaît bien les anciens pays de l'Union soviétique, la Géorgie en particulier dont il a filmé la reconstruction. Cette connaissance fine de la Géorgie et des Géorgiens lui permet de cerner combien la vigne et le vin, bien davantage encore qu'en France ?oui, c'est possible-, sont consubstantiels à ce petit pays et ses habitants. Le film commence avec cette phrase placée en exergue : « Ici on ne vous demande pas comment vas-tu mais comment va ta vigne ? ». La Géorgie est donc ce pays où, dit un vigneron, « le mot vin vient du Géorgien », devenu la « cave à vin » de l'Union soviétique, fier de ses 500 cépages, « les plus proches de la vigne sauvage ». Aucun détail de cette relation à la vigne et au vin n'échappe à Pierre Goetschel. On voit sur une route un panneau publicitaire où sont écrits ces mots improbables en France, « drink wine, drive wine ». Il y a à Tbilissi, dans d'anciens chais, derrière des grilles cadenassées, 40 000 bouteilles de vin appartenant à Staline, « héritage maudit », où se côtoient de très grands bordeaux et des vins géorgiens. Chaque année aux vendanges, depuis l'embargo de la Russie qui frappe aussi le vin géorgien, les viticulteurs tentent de vendre sur les marchés leur production, les grappes dépassant des coffres de voitures hors d'âge. En Géorgie, même en ville, on continue à faire du vin en famille, pour la famille. Les « usines à vin » kolkhoziennes sont devenues des friches industrielles, symboles de « l'effondrement d'un système basé sur le mensonge ». On entend un discours hallucinant prononcé par Chevarnadze, premier président de la Géorgie indépendante. Pourtant et malgré tout, des vignerons continuent à faire du « vin de jarre », naturellement sucré. L'un d'eux dit : « le vin n'est pas orphelin. Il doit fermenter avec la mère, la rafle ». Un autre : « tu ne peux pas faire du bon vin si tu ne connais pas ton âme ».
Cork, forest in a bottle - Production : Mike Salibusry et BBC Natural history unit, Royaume Uni - Réalisation : Mike Salisbury - Durée : 49 mn et Save Miguel - Production : Sean Ascroft, Portugal - Réalisation : Sean Ascroft - 5mnSur les 31 films présentés, deux, un court et un long métrage, abordent un sujet périphérique, le liège. L'un et l'autre l'abordent sous le même angle : l'arbre dont on fait les bouchons, et l'écosystème dans lequel il s'inscrit, particulièrement au Portugal dans les Montados, lieu d'exploration du documentariste naturaliste Mike Salisbury. Il faut sans doute y voir la montée des préoccupations environnementales. Ces deux films ont la qualité de nous raconter une histoire presque aussi passionnante que celle de la vigne, mettant au jour que le liège et le vin étaient, aussi symboliquement, faits pour se rencontrer. Le message délivré est le même : les capsules à vis et autres bouchons de substitution sont des ennemis de la biodiversité. Pour le dire, Sean Ascroft use, dans son court métrage « Save Miguel » du ton du scénario burlesque, interprété par l'acteur américain Rob Schneider. Le second, dans la grande tradition des documentaires naturalistes de la BBC, aborde point par point la culture, au sens propre et figuré, de cet arbre qui pousse là où rien ne pousserait et vivrait sans lui. Ce n'est pas renversant, mais convaincant.
Mon père, ce héros - Production : Thierry Gautier, TGA Production, France - Réalisation : Joëlle Stechel - Durée : 52mnLa transmission était l'un des thèmes rémanents des films sélectionnés. Faut-il y voir, à l'heure où le vin paraît dans la société française menacé, la traduction d'une peur ou bien un exercice finalement évident pour parler de la vigne et du vin ? Un peu des deux sans doute. Pour parler de son père qui lui a manqué et dont elle tente de retrouver l'empreinte qu'il aurait laissée sur elle, une fille, Joëlle Stechel, choisit de faire parler, je cite, « des couples pères-fils », vignerons en Touraine, les Chidaine à Montlouis, les Pinon à Vouvray, les Mabileau à Saint-Nicolas de Bourgueil et les Moyer à Husseau sur Loire. Pourquoi des familles et de vignerons et pas des boulangers, menuisiers, éleveurs ? Joëlle Stechel ne le dit pas. Simplement, on comprend à regarder et écouter que les bouteilles de vin, telles le témoin dans la course -relais, donnent corps mieux que n'importe quoi d'autre, à la transmission de la mémoire, de la famille, du savoir-faire, de l'histoire. Au moment, d'ouvrir une vieille bouteille, la première vinifiée par le grand-père, le fils, le petit-fils, les souvenirs remontent, libèrent la parole. Il n'y a guère que le vin pour traverser ainsi les âges et jeter un pont entre les générations.