ouvent depuis que je vous propose ce rendez-vous hebdomadaire (le 32ème), je me suis intéressée aux dessous de l'information, la manière dont celle-ci se dit, se fabrique, se diffuse, les dessous disant autant que ce qui est donné à lire. Les dessous ne sont pas toujours jolis. Ceux de Jancis Robinson, journaliste pour le Financial Times et auteur d'un blog-site portant son nom le sont. Cette grande professionnelle détaille cette semaine dans un article remarquable les règles éthiques qui la guident dans l'exercice de son métier. Remarquable aussi est l'analyse argumentée et informée de Wine Business International sur le marché du vin en Chine, lequel n'est pas celui que l'on voudrait qu'il soit. Remarquables enfin sont les propos pragmatiques de David Pearson, directeur d'Opus One en Californie et rapportés par Vitisphère sur l'oenotourisme. Ce n'est pas si souvent que le remarquable se présente au rendez-vous de l'actualité, reléguant au rang de gentilles anecdotes tout ce dont je pensais aussi et par ailleurs vous donner à lire. A la semaine prochaine
Catherine Bernard
Tout est parti de deux blogueurs anglosaxons, sans pitié et sans complaisance. Ces deux blogueurs, DrVino, enseignant et chercheur à l'Université de Chicago et Arthur Z Przebindaof dont le nom de son blog peut aussi se traduire par « la vérité sur le vin » lancent le débat sur l'éthique des journalistes et leurs relations avec les producteurs de vin, Arthur Z Przebindaof demandant à quelques célébrités de répondre à ses questions. Il essuie beaucoup de refus, significatifs. Chacun en jugera. Journaliste spécialiste du vin depuis bientôt 30 ans, Jancis Robinson, la dame du Financial Times, ne s'est pas seulement pliée à l'exercice, elle se livre cette semaine dans son blog à un examen de conscience précis dont on aimerait qu'il soit davantage partagé dans la dite patrie du vin, la nôtre. Tous les aspects du métier y compris les avantages qui lui sont liés (échantillons, dégustations, voyages, hébergement, animations, restauration...) sont passés en revue, les uns après les autres, sans oubli aucun, exemples à l'appui. A propos des échantillons, Jancis Robinson prend exemple des pratiques d'Axa Millésimes qui envoie à chaque journaliste « une coûteuse caisse en bois de six bouteilles » et des échanges que cet envoi a occasionné avec l'un de ses dirigeants, Christian Seely et dont le résultat est désarmant d'honnêteté: ?Aucune issue favorable mutuelle à ce dilemme ne semble possible?. Jancis Robinson démonte aussi le piège que lui tendent les vignerons de la prendre pour une consultante?. ?On m'écrit souvent : nous aimerions beaucoup avoir votre avis sur notre vin?. Trop souvent, souligne-t-elle, cela signifie ?tant que vous les appréciez? ou que ?vous nous expliquiez comment faire pour progresser?. Il y a décidément de l'humour chez cette femme. Je vous laisse découvrir ce passage délectable sur les supposées relations ?amicales? avec les producteurs, qu'elle range définitivement dans les ?relations virtuellement impossibles? : ?quand je suis devant mon ordinateur, le lait de la gentilesse humaine ne coule plus?. Mme Robinson est souvent invitée. Elle refuse beaucoup, systématiquement quand il s'agit d'une invitation lancée par un seul vigneron, et dans tous les cas, paie de son argent déplacement et hébergement. Là encore exemples à l'appui. La transparence est un leurre, pas les règles éthiques.
La Chine, un miroir aux alouettesAinsi, faut-il se rendre à l'évidence, la Chine, entrée dans le cercle très fermé des dix premiers consommateurs de vin de la planète n'est pas l'Eldorado que l'on pourrait croire, bien plutôt un miroir aux alouettes ou la Perette de Jean de La Fontaine. C'est ce qui ressort de l'enquête menée par Chantal Chi pour Wine Business International et mise cette semaine en ligne. Une fois n'est pas coutume, je vous en livre de longs extraits. « Les vins importés représentent 20% des parts de marché, ce qui signifie que 80% des vins sont « made in China », attaque la journaliste. Elle cite Simon Zhou, responsable des ventes de l'importateur Ruby Red : « Les gros volumes des vins en vrac, tout comme ceux des grands crus et marques sont des faux-semblant et contribuent à ce que les étrangers se nourrissent d'illusions ». Chantal Chi s'emploie à nous désillusionner. La Chine, rappelle-t-elle à ceux qui voudraient partir à sa conquête, n'est pas un « pays » mais plutôt un continent, « composé de plusieurs provinces » qui ont « leurs caractéristiques propres, dialectes, mentalités, spécialités culinaires, ce qui conduit à des goûts différents ». Elle poursuit : « Les poducteurs de vin rêvent d'entrer dans les grandes chaînes d'hôtels, restaurants et supermarchés de luxe, mais ce référencement coûte souvent cher ». Il y aussi et surtout un malentendu que Chantal Chi soulève : « Parce que le vin est un business à la mode, il attire beaucoup d'opportunistes qui n'ont que faire de l'image des marques. Tout ce qu'ils voient dans le vin est le profit, ainsi cherchent-ils à faire le plus d'argent possible le plus vite possible, sans construire une relation à long terme ». Coïncidence ? Le Lepetitjournal.com, qui se définit comme le site des francophones à l'étranger, confirme ce constat. Après avoir fait l'éloge de la multiplication des épiceries fines et de leurs rayons vin, Quentin Duriez relève lui aussi que « le vin produit sur le territoire national est bien plus prisé par les Chinois que le vin d'importation, et pas seulement en raison de leur prix. N'oublions pas que malgré sa réputation modeste, le vignoble chinois occupe la sixième superficie au monde ». D'expérience, il relève que « le temps où coller une étiquette 'Bordeaux' suffisait pour vendre ses bouteilles est révolu, place aux nouveaux entrants qui ont su mieux prendre le créneau des marchés émergents. Moins chers, mieux adaptés et surtout mieux markétés, les vins australiens et américains (chiliens, californiens?) se taillent une part toujours plus importante du marché.? On ne dira pas qu'on ne nous l'a pas dit.
Leçon d'oeonotourisme made in CaliforniaVitisphere lance cette semaine une nouvelle série de lettres confidentielles thématiques, cette semaine, l’oenotourisme. Je précise qu’en aucun cas, le président de Vitisphère et donc mon employeur ne m’a demandé d’en faire ici le commentaire et/ou la publicité et découvre toujours le contenu de cette revue de presse quasiment en même temps que vous. Je me suis en effet donné pour règle que Vitisphère soit traité, dans ce rendez-vous hebdomadaire, comme un acteur des medias parmi et comme les autres. Ceci posé, voici ce que dit Pearson directeur d’Opus One chez Mondavi à Napa Valley en Californie à propos de ce à quoi nous nous essayons en France avec beaucoup de manières, l’oenotourisme : “On n’aurait pas tort de citer Robert Mondavi comme un des grands initiateurs de l’oenotourisme dans la Napa Valley. Quand il a fait construire sa winery en 1966 il a dédié autant d’espace pour les visiteurs que pour l’élaboration des vins. Or, il n’y avait pas de visiteurs en 1966. L’offre oenotourisme s’est structurée tout simplement : portes ouvertes, les gens accueillants et bien éduqués sur le vin proposant à déguster et apprendre apprécier le vin ». A Vitisphère qui s’interroge des conséquences sur la crise, il répond : « Oui, on peut constater une diminution dans le nombre de visiteurs depuis octobre passé. Et nous voyons que les gens sont un peu plus prudents avec leurs choix et leurs sous. On ne peut pas s’attendre à aller à contre-courant avec l’économie. Mais nous essayons d’apporter encore de la valeur pour chaque visite et à chaque visiteur - des visites plus confidentielles. Que les gens aient une expérience inoubliable, ils seront de retour quand le temps se fera beau”. Je vous livre cette inverview avec les fautes d’orthogrape et celles de syntaxe qui, je trouve, donnent bizarrement tout son poids à cette démonstration de pragmatisme.