lors que la brochure « Nutrition et prévention des cancers, des connaissances scientifiques aux recommandations » publiée par l'Inca le 19 février dernier affirmait qu'« aucune boisson alcoolisée, même le vin, n'a d'effet protecteur vis-à-vis du cancer», le Professeur Dominique Lanzmann-Petithory a présenté mercredi 11 mars les résultats des études de Nancy, ou étude Canceralcool, sur la consommation d'alcool et le risque de mortalité par cancer en parfaite contradiction avec les affirmations de l'Inca.
L’étude concerne une cohorte de 100 000 personnes examinées au centre de médecine préventive de Nancy entre 1978 et 1985 dont la mortalité a été documentée jusqu'en 2005. En mortalité générale par cancer, non prématurée, sur population « saine » au départ, 4128 décès par cancers chez les hommes et 2077 décès par cancers chez les femmes ont été pris en compte. Grâce aux questions relatives à leur mode de vie, l’équipe du Dr Lanzmann a pu isoler au sein des volontaires les buveurs d’alcool, et parmi eux les buveurs de vin, dont la « préférence vin » a été définie comme une consommation d’alcool où le vin représente plus de la moitié de la quantité d’alcool consommée. La quantité d’alcool consommée a été exprimée en g/kg pour éviter les biais de la taille et du poids des volontaires considérés.
La mise en évidence d'un effet-vin réducteur du risque de mortalité par certains cancers
En terme de mortalité générale, plus la consommation d’alcool est élevée (en g/kg poids), plus le risque de mortalité par cancer augmente. Cependant, après d’âpres débats sur le sujet, la communauté scientifique s’accorde aujourd’hui à distinguer des cancers sensibles à l’alcool, des cancers où le lien statistique entre consommation d’alcool et élévation du risque de mortalité ne sont pas significatifs, et des cancers où la sensibilité à l’alcool semble inexistante, comme le cancer de la thyroïde ou de l’estomac.
Quelle que soit la sensibilité à l'alcool du cancer considéré, la « préférence vin » réduit significativement le risque de mortalité tous cancers confondus (-16% pour les hommes). Cette diminution globale du risque cache des disparités entre les cancers des voies aériennes et aérodigestives (poumon, gorge et bouche), où le risque décroît de façon très significative, ceux du rectum/anus et de la vessie, où les résultats ne sont pas tout à fait significatifs et ceux du système digestif (côlon, estomac, pancréas, foie et prostate) qui ne sont par significativement reliés à la préférence vin.
Et les femmes ?
Quid de l’égalité homme/femme face à l'effet protecteur du vin contre le cancer ? Faute de catégorie statistique intermédiaire, « On ne peut pas répondre à cette question dans le cadre de cette étude », répond Dominique Lanzmann-Petithory. En effet, les questionnaires ont été établis pour isoler les consommatrices de vins au-delà d’une consommation de 2 verres de vin par jour. Celles qui n’en buvaient qu’un sont donc rangées dans la catégorie des non-consommatrices. « Or chez les femmes il est très probable que de nombreux effets protecteurs interviennent en deçà de ce seuil », explique le Docteur Lanzmann.
En revanche, la corrélation entre consommation élevée d’alcool et augmentation du risque de cancer est avérée également chez la femmes. La préférence vin n’augmente pas le risque en soi, en particulier pour le risque de mortalité par cancer du sein, qui augmente avec la dose d’alcool mais n’est pas relié à la préférence vin.
L’effet vin : comment expliquer que les risques diminuent en cas de consommation de vin alors qu'ils augmentent pour toutes les autres consommations d'alcool ?
« Le vin contient deux substances aux actions contrastées », avance Dominique Lanzmann-Petithory. Contrastées, voire antagonistes, avec l’alcool, qui augmente le risque de cancer, face au jus de raisin, riche en polyphénols et resvératrol, antioxydants, stimulants d’Oméga 3, dont on sait qu'il diminue le risque de cancer.
Il semblerait qu’au terme de l’addition effet fruit (+) + effet alcool (-), la somme soit positive, puisque la consommation de vin diminue le risque de cancer. « A doses modérées, l'effet fruit semble l'emporter sur l'effet alcool, et même à doses moyennes pour certains cancers », résume Dominique Lanzmann-Petithory. On note que les cancers pour lesquels l'augmentation du risque est la plus flagrante en cas de consommation d'alcool sont particulièrement sensibles à l'effet protecteur de la préférence vin ; c'est notamment le cas de ceux des voies aérodigestives (lèvres, bouche, larynx et pharynx).