ue faut-il penser du marché des enchères de vin actuellement ?
Depuis le mois de septembre les marchés financiers subissent une crise sans précédent, qui voit les valorisations de certaines entreprises fondre comme neige au soleil. Qu'en est-il du marché des enchères de vins ? Subit-il le même (impitoyable) sort ?
Faisons le point sur les tendances de fond qui se dessinent, en France mais aussi dans les grandes ventes de Londres, des Etats-Unis et d'Asie.
Les analyses de www.idealwine.com, site d'enchères de vin.
Finie, la période de spéculation enregistrée depuis un peu plus de deux ans. Le monde des enchères de vin est entré dans une phase d’assainissement, pour redevenir un marché d’authentiques amateurs.
Alors qu’une bonne part de la clientèle professionnelle se tient à l’écart du marché depuis quelques semaines, les amateurs particuliers répondent présent, en nombre, et le rapport de force est désormais de leur côté. Le moment semble venu pour eux de se positionner sur leurs vins préférés, en guettant les creux de vente qui leur permettront de constituer et de compléter leur cave dans de bonnes conditions.
L’heure est donc à la stabilité sur les grands crus dans des millésimes de garde, mais l’inflexion est sensible sur les années moins prestigieuses. Le marché ne s’est pas encore adapté à cette nouvelle donne, les vins sont encore parfois proposés à des prix trop élevés, calés sur les records enregistrés ces derniers mois. Hormis sur les flacons très exceptionnels les vendeurs devront accepter dans les prochaines semaines des baisses de prix sur les millésimes les moins en vue pour faciliter les échanges.
Les besoins en trésorerie aidant, le volume des vins proposés à la vente s’est sensiblement accru au cours des dernières semaines. La baisse des prix s’annonce donc inexorable. Une tendance qui mérite toutefois d’être affinée en fonction des millésimes. 2005 est une année recherchée, mais plus à n’importe quel prix. La demande étrangère ralentit, les prix se stabilisent. Cette année reste toutefois un excellent placement à terme en raison des caractéristiques du millésime et des excellentes perspectives de garde. Un millésime à guetter attentivement au gré des baisses de cours et des « creux de vente » qui pourraient se multiplier au cours des prochains mois ; Les échanges sont plus difficiles sur les années récentes qui souffrent d’une mauvaise image, 2002 et 1999 en tout premier lieu, 2004 dans une moindre mesure. 2003 plafonne, le manque d’acidité du millésime fait peser des risques sur les capacités de conservation des vins. Les prix s’en ressentent. Il est préférable de rester à l’écart de ces années moins prisées pour l’instant, le marché n’a sans doute pas atteint son plus bas. 2000 reste stable, hormis sur les liquoreux, qui s’affichent en légère baisse, notamment Yquem. S’agissant de ce vin, les millésimes récents, commercialisés à des prix très élevés, souffrent de la comparaison avec leurs aînés. On trouve aujourd’hui de grandes années telles que 1988, 1989, 1990 et 1996 à des prix qui se situent largement en deçà du prix de commercialisation en primeurs 2005. 1995 et 1996 gardent la cote. Les vins arrivent à maturité, et s’ouvrent à une nouvelle catégorie de clients, ceux qui recherchent des vins à boire sans attendre. Les prix sont actuellement stables, hormis sur les grands vins très spéculatifs ces dernières années, tels que les Châteaux Latour et Margaux, en légère baisse. Ces millésimes représentent une valeur sûre. 1990 : après trois ans de hausse ininterrompue, le repli est amorcé sur les grands Bordeaux 1990. Ni Petrus ni Lafite ne sont épargnés : dernier résultat à 2200€ pour Petrus 1990 contre une cote à 2500€, Lafite parfois invendu si l’estimation reste calée sur les records enregistrés jusqu’à l’été. Les autres millésimes sont désormais plus difficiles à vendre, Il faut s’attendre à des baisses de prix spectaculaires sur les « petites » années de la décennie 1990 (1992, 1993, 1994, 1997, 1999). Idem pour les millésimes moins recherchés des années 1980 tels que 1987, 1984, 1981. Les millésimes des années 1970 pourront se vendre à la faveur de recherche d’années de naissance, mais aucune année de cette décennie ne sera spéculative dans les mois à venir. Idem pour la décennie des sixtie’s, à l’exception de la mythique année 1961. Les années dites « du siècle » (à peine une par décennie) tirent bien leur épingle du jeu. Au premier chef, 1959, qui s’affiche à la hausse car il sera recherché au cours de l’année 2009 en tant que millésime « anniversaire ». Même sort pour 1982, qui reste stable, 1961, 1945, 1929 (rarissime). A noter, Haut-Brion, le moins spéculatif des 1ers crus, s’en sort bien, avec des prix qui s’affichent à la hausse dans la plupart des millésimes « intermédiaires ». Sur les grandes années qui avaient beaucoup progressé ces dernières années, les prix s’assagissent : 413€ sur le millésime 2000 pour une cote actuelle à 500€.
Bourgogne : la rareté maintient les plus grands à l'abri de la criseLe premier cercle des super-stars de la cote (DRC, Rousseau, Ponsot, Roumier …) reste en marge de la crise. Toutefois, les records ne sont plus systématiques, notamment dans les ventes américaines et asiatiques qui en étaient si friandes depuis 18 mois. Ainsi, aux Etats-Unis, une rare caisse de 12 bouteilles contenant exclusivement des Romanée Conti 1990 a été adjugée à un prix certes élevé, mais inférieur aux estimations du catalogue : 12600€ la bouteille (contre une cote française à l’unité de 8050€ tout de même). Mais pour mémoire, la même caisse s’était échangée à plus de 22.000€ la bouteille en 2006. De beaux résultats ont également été enregistrés sur La Tâche, notamment plusieurs flacons de 1962, adjugés 3870€ pièce en France, et jusqu’à 6050€ à New-York en octobre. Au-delà de ce premier cercle, les valeurs sûres de la Côtes de Nuits sont toujours recherchées : Trapet, Domaine des Lambrays, domaine A-F Gros et domaine Méo-Camuzet notamment. Idem pour les grandes maisons telles que Bouchard, avec un Montrachet 2001 en hausse de 23% à 277€. Beau résultat aussi pour La Romanée 1990, adjugée 404€. Le millésime 2005, et le très prometteur 2006 se vendent bien, mais les perspectives de hausse de prix sont désormais limitées, car les prix ont beaucoup augmenté des derniers mois, dès la sortie du domaine. 1999, 2002 et 2003 sont actuellement chers, des baisses de prix devraient intervenir afin de permettre au marché de s’équilibrer entre l’offre et la demande. 1990 est très prisé, même si l’inflexion sur les prix semble tout aussi inévitable. A noter, le pourcentage de vins qui trouvent à se vendre lors des ventes aux enchères est en nette diminution. Aux Etats-Unis, cette tendance est particulièrement marquée, indiquant que les vendeurs ne se sont pas encore adaptés à la tendance baissière du marché. Idem pour les ventes asiatiques. Une vente organisée par la société Acker Merrall & Condit fin octobre à Hong-Kong a certes enregistré quelques beaux résultats, notamment sur les vins du domaine de la Romanée Conti, mais sans battre de records significatifs.
Vallée du Rhône : un bel échantillon de valeurs-refugeSi les cuvées spéciales de vallée du Rhône recommencent à souffrir, à l’instar de la Cuvée Da Capo du domaine de Pegaü), les résultats des dernières ventes témoignent d’une demande soutenue sur les grandes signatures de la région. Le marché est dans l’ensemble très actif, Parmi les valeurs sûres de la région : Côte-Rôtie : Guigal, Jamet en tout premier lieu, suivis des domaines Gérin, Burgaud, Rostaing et de la maison Delas pour sa parcelle de la Landonne. Hermitage : Jean-Louis Chave, Jaboulet, Chapoutier. Pour ces deux derniers, attention aux prix, ils ont atteint des sommets qui peuvent rebuter les amateurs, y compris sur des flacons mythiques tels que Hermitage La Chapelle 1961, qui peine à se vendre. Châteauneuf du Pape : Château Rayas, Henri Bonneau, Château de Beaucastel. Les belles années telles que 1998, 1999 font figure de valeur sûre. 2003 est actuellement très cher, et pourtant la demande est actuellement vive pour ce millésime. Même situation pour le millésime 2005, qui bénéficie d’une aura qui éclipse presque l’année suivante, 2006, pourtant très – voire mieux – réussie. Quelques résultats récents : Côte-Rôtie La Turque Etienne Guigal 2003 : 543€ (+27%) Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné 2003 : 116€ (+33%) Hermitage Jean-Louis Chave 1995 : 185€ (+35%) Hermitage Le Pavillon Chapoutier 1995 : 150€ (+27%) Châteauneuf-du-Pape Château Rayas 2001 : 173€ (+33%).
Champagne : le climat est moins spéculatifA la veille des fêtes, si les maisons de Champagne s’inquiètent de la baisse des exportations et des difficultés à écouler leurs stocks auprès d’une clientèle professionnelle fragilisée par la crise, les grandes cuvées classiques se vendent toujours bien dans les ventes aux enchères, l’effet de rareté jouant à plein pour soutenir la cote. Chez Bollinger par exemple, la cuvée Vieilles Vignes Françaises continue à battre des records : 1996 : 690€ (+27%) en octobre 2008 1990 : 936€ (+32%) en septembre 2008 Dom Pérignon Bonne tenue des millésimes 1996, 1995, 1990. 1996 : 150€ le 18/09/08 (stable 1995 : 150€ le 15/10/08 (+8%) 1990 : 208€ le 28/08/08 (+13%) Les millésimes anciens sont moins spéculatifs. Cristal Roederer Bonne tenue des prix sur les flacons classiques : 2000 : 165€ (+16%) le 25/09/08 1999 : 167€ (+15%) le 28/10/08 Mais l’heure n’est plus à la spéculation sur Cristal. Un mathusalem de Cristal Roederer 1990, produit en hommage à l’an 2000, qui s’était adjugé 20.552€ à Paris en décembre 2007 n’a pas trouvé preneur lors d’une vente parisienne du 28 octobre dernier. A l’étranger, un lot de Champagne Pol Roger - cuvée Winston Churchill s’est vendu 194€ à Hong-Kong le 28/10/2008, en hausse de 80% sur la cote française.