l y a tout juste un an, quatre groupements de producteurs de quatre régions viticoles françaises s'associaient pour implanter à Shanghai, une société de distribution en partenariat avec un investisseur chinois. Philippe Brel, directeur de l'un de ces groupements, Le Cercle des Vignerons de Provence, et président de la société chinoise, raconte cette aventure aux pays des mandarins
C’est un projet qui a démarré en janvier 2007 par la création d’une société française destinée à développer les ventes de quatre partenaires engagés dans cette démarche : Le Cercle des Vignerons de Provence, qui regroupe caves coopératives et vignerons indépendants du Var et des Bouches du Rhône ( 240 000 hl, 20 millions de cols par an), Le Cellier de Marrenon, union de 13 caves coopératives du Lubéron, la cave coopérative de Rasteau et Vinovalie, union de coopératives du sud-ouest (Cahors, Fronton, Gaillac). A nous quatre, nous représentons un potentiel de vente d’environ 800 000 hl avec une offre produit très diversifiée nous permettant d’aborder des marchés plus conséquents. Six mois plus tard, nous avons créé une société à Shanghai, en joint-venture avec un partenaire chinois. Nous avons la majorité (52%), et notre associé chinois est le directeur général de la société.
Comment avez-vous abordé ce marché gigantesque ?Nous avons d’abord travaillé sur notre offre produit en créant la marque ombrelle Casal, sous laquelle nous déclinons toute notre gamme de produits. Les Chinois ne sont pas encore de très grands connaisseurs, or l’offre française est très compliquée. Le regroupement de notre gamme sous une même marque vise à simplifier notre offre en mettant en avant une valeur repère pour tous nos produits. Nous proposons 25 références dans une gamme de prix s’échelonnant de 7 à 250 € la bouteille. Chaque bouteille dispose d’une contre-étiquette en chinois avec toutes les caractéristiques du vin.
Quels sont les produits qui marchent le mieux en Chine ?C’est un lieu commun, mais nous avons pu le vérifier avec notre gamme : ce sont les très haut de gamme et les entrées de gamme qui sont les plus demandés. Pour les milieux de gamme, qui constituent l’essentiel de notre offre, c’est plus difficile. Nous sommes pourtant confiants car quand nos présentons nos produits, quand nous les faisons déguster, nous avons une bonne rotation. En Chine, l’essentiel du marché est constitué par les vins rouges. Mais nos rosés marchent très bien quand nous les faisons déguster. Ils correspondent au goût des Chinois. En fait, c’est un problème d’offre. Il faut faire découvrir ce produit qui est méconnu des consommateurs chinois.
Quelle est votre stratégie de développement commercial ?Nous avons commencé par ouvrir une boutique de vente au détail avec un show-room pour présenter nos vins, implantée au siège de la société à Shanghai. Puis nous avons développé un réseau de points de vente, permanents ou temporaires, dans les galeries commerciales des supermarchés ou à l’intérieur même des grandes surfaces. Aujourd’hui nous disposons d’une vingtaine de ces « corners » de vente. Parallèlement, nous passons des accords avec d’autres partenaires investisseurs implantés dans d’autres régions, susceptibles de développer la même activité. Notre société chinoise compte aujourd’hui une quinzaine de salariés : commerciaux, , animateurs des ventes, designer, responsable des partenariat.
Quel est le premier bilan que vous tirez de cette première année de présence en Chine ?Nos objectifs sont en passe d’être atteints. D’ici la fin de l’année, nous aurons expédié 180 000 cols. Nous avons été déçus par nos résultats en CHR. C’est un marché qui est détenu par de très grosses sociétés et nous n’avons pas réussi à l’aborder en direct. Mais globalement, c’est un bon début et nous sommes plutôt confiants pour l’avenir. Nous avions prévu une rentabilité sur 2 à 3 ans. Nous allons probablement équilibrer nos comptes sur 15 à 18 mois. Nos marges sont ici bien supérieures à celles pratiquées sur d’autres marchés et les charges de main d’œuvre sont très faibles. C’est un modèle très différent de celui que nous connaissons sur le marché français ou européen.
Finalement la Chine, c'est l'eldorado ?C’est effectivement un marché très porteur qui double chaque année. Je pense que c’est maintenant que les places se prennent. D’ici quelques années, ce sera beaucoup plus difficile et plus coûteux de s’implanter. Mais je mets en garde ceux qui voudraient s’y lancer tête baissée. Il est indispensable de trouver un partenaire chinois compétent et tenace . La Chine est un pays complexe et fortement administré. Il faut le savoir-faire et s'appuyer sur la compétence de gens du cru pour s’y retrouver dans le maquis juridico-administratif chinois.