a consommation de vin rosé se développe sur les principaux marchés d'exportation. Plus de la moitié des consommateurs étrangers disent en boire. L'offre française a une carte à jouer. À condition de s'adapter.
Sa côte continue de grimper. Le rosé ne séduit plus uniquement nos compatriotes, il charme aussi nos voisins étrangers proches et lointains. « Les échanges mondiaux en faveur de la couleur s’accélèrent, a ainsi indiqué Patrick Aigain, responsable des études statistiques à l’Office international de la vigne et du vin (OIV), lors des Rencontres internationales du rosé organisées par le Conseil interprofessionnel des vins de Provence, le 27 juin dernier à Toulon. Cela s’explique, entre autres, par la volonté des distributeurs et des fournisseurs, de travailler des gammes complètes. » Pas seulement. Les ingrédients, qui ont contribué à sa réussite dans l’Hexagone, font aussi son succès à l’international : facilité d’accès, diversité des moments de consommation, plaisir immédiat… « Il n’exige pas les connaissances que suppose la consommation de vin rouge, souligne Philippe Aurier, enseignant et chercheur à l’université de Montpellier II. D’où son attrait auprès des non initiés, les femmes et les jeunes en particulier. »
Faute de définition, les données statistiques fluctuentD’après Patrick Aigrin, la production mondiale de rosés se situait aux alentours de 21,5 millions d’hl en 2006, soit près de 9 % des volumes à l’intérieur de pays concernés. Des chiffres à prendre avec précaution, « tant il est difficile de récolter des statistiques fiables sur un produit qui n’a pas de définition à l’international. » La France, avec un plus de 6 millions d’hl par an, reste le leader incontesté de la couleur avec 700 000 hl de vins de table, 2,6 millions d’hl de vins de pays et 2,6 millions d’hl d’AOC. L’Italie et l’Espagne sont aussi des opérateurs importants, avec respectivement 4,4 et 3,8 millions d’hl. Les USA ne sont pas en reste avec près de 4 millions d’hl, « et, visiblement, exportent notablement. » La consommation varie en fonction des pays, elle va de 9 % au sein des pays du Nord de l’Europe - avec pour certains d’entre eux une croissance à deux chiffres - à 20 %, en France, au Royaume-Uni, en Belgique, aux États-Unis et aux Pays-Bas. Et elle se démocratise. « Aujourd'hui, plus de la moitié des consommateurs de vin des principaux marchés export boivent du rosé, affirme Jean-Philippe Perrouty, responsable des études au sein du cabinet Wine Intelligence. Dans certains pays comme la Suisse, l'Allemagne ou encore la Belgique la proportion est proche de 75 % ». Signe que la consommation se désaisonnalise, même si elle atteint toujours son pic durant les périodes estivales. Cela étant, ce plébiscite révèle des disparités d'un pays à l'autre.
Le rosé foncé plait aux anglosaxonsAu Royaume-Uni, la moitié des rosés vendus sont estampillés « made in » Californie. Ils ont investi ce marché à la fin des années 80, avec une offre de vin très colorés et des teneurs en sucre résiduel très élevés : de 20 à 30 g/litre. Appelés « blush », ils génèrent aujourd’hui la moitié de la croissance. Gallo et Blossom Hill en tête. « Ce sont les premières marques vendues Outre-Manche », précise Jean-Philippe Perrouty. Sans surprise, ces vins constituent également la référence aux Etats-Unis où ils représentent 80 % des ventes. Les rosés tricolores, plus pâles et beaucoup plus secs, ont ils une chance d’accéder à ces marchés ? « Leur profil joue en leur défaveur, pense le consultant. Les attentes de prix sont reliés à l'intensité de la couleur : aux Etats-Unis, un consommateur s'attend à payer plus cher pour un rosé foncé, jusqu’à 12 $. » Même constat en Grande-Bretagne : l’acheteur n’ira pas au-delà de la barre des 5 £ pour un rosé clair, mais acceptera de la franchir pour un succédané à la robe plus soutenue. Il faut donc peut-être revoir la copie en terme de couleur, « en proposant des rosés plus foncés. » Parallèlement, Jean-Philippe Perrouty suggère de « développer une offre premium à même de cibler une clientèle jeune et urbaine et certaines occasions de consommation. Il ne faut pas penser qu’au prix, mais à l’innovation produit. » Aux États-Unis, il existe un potentiel de 30 millions de consommateurs correspondant à ce profil. « Pour les séduire, il convient de s’appuyer sur des extensions de marque horizontales », poursuit-il.
Rosé + effervescence = succès garanti pour le Champagne roséLes champenois l’ont bien compris. « Ils ont vu dans l’offre rosé le moyen d’élargir leur cible de clientèle et de monter en gamme », résume Aurélie Deluze, du service économique du Comité interprofessionnel des vins de Champagne. Les grandes maisons, en quête permanente de valorisation, font figure de locomotive : elles représentent 92 % des volumes de rosés vendus à l’extérieur de la Champagne. Elles ont opté pour un positionnement très « marketé » avec des habillages modernes, sophistiqués, la création de coffrets, d’étiquettes originales…et ont résolument orienté leur communication en direction des femmes. Elles ont aussi travaillé leur profil produit : arômes de fruits pour le marché britannique par exemple. Résultat, entre 2004 et 2006, les exportations de la couleur ont bondi de 14 millions de cols à 21 millions de cols. Côté ardoise, le prix moyen des rosés à l’export a affiché 18 € en 2007, soit 13 % de plus que le prix moyen d’un Champagne classique. Exemplaire… À condition d’avoir la force de frappe des grandes marques.