ne marque créée de toutes pièces, un packaging très étudié, des assemblages de vins de différentes régions de France, des objectifs de vente ambitieux : OVS, avec sa gamme Chamarré, entend changer l'image des vins français, en particulier à l'exportation. Des vins plaisir, adaptés aux goûts des consommateurs, pour reprendre des parts de marché avec les mêmes armes que les marques australiennes ou américaines.
Chamarré est le fruit d'une structure commerciale, OVS (Opéra Vins et spiritueux), fondée par Pascal Renaudat - anciennement à la tête de Sadipal, une société d'importations de vins italiens - qui regroupe plusieurs unions de coopératives de différents vignobles de France. Val d'Orbieu (Languedoc), Producta (Bordeaux), Alliance Loire (Val de Loire), l'Union des vignerons de l'Ile de Beauté (Corse), les Vignerons de la Ténarèze (Gers), la Cave de Jurançon, la distillerie des Moisans (Cognac) ont formé le groupe initial et ont été rejointes cet été par cinq caves coopératives du Beaujolais, celles de Letra, St Laurent d'Oingt, Bois d'Oingt, Liergue et Gleizé, rassemblées sous le nom de Viticoop Beaujolais. Cellier des Dauphins devrait désormais s'intégrer à l'aventure et permettre d'élargir la gamme de Chamarré aux vins des Côtes du Rhône. OVS pourrait ensuite signer avec des coopératives de Bourgogne. Les coopératives détiennent actuellement environ 75% environ du capital d'OVS. Le reste étant détenu par Pascal Renaudat (20%) et des membres de son équipe (5%). ?Se fédérer, mettre les moyens en commun, cela relève du bon sens, indique Pascal Renaudat. Nous n'avons pas déstructuré les coopératives, nous avons préservé les savoir-faire et leur avons proposé d'investir sur une marque.? OVS représente 12 000 viticulteurs et un potentiel de production estimé à plus de 300 millions de bouteilles.
?Une solution pour aider la viticulture?La démarche d'OVS de créer une marque mondiale de vins en s'appuyant sur des coopératives a suscité beaucoup d'étonnement dans la filière et n'a pas fini de susciter des réactions.?Il y avait un besoin, note Pascal Renaudat. Et cela a fait bouger le monde viticole en étant un peu un détonateur. Nous avons tout en France pour réussir. Nos vins valent largement ceux du Nouveau Monde. Mais on a trop fait de vins de vignerons et on pèche au niveau de la commercialisation et des prix. L'idée est de créer une offre complémentaire, des vins adaptés aux goûts des consommateurs, des vins plaisir, de décontraction, pour reconquérir les marchés et garder les viticulteurs. Chamarré peut être une des solutions pour aider la viticulture.? La gamme Chamarré se veut une porte d'entrée vers les vins français pour les consommateurs étrangers et entend même s'attaquer aux buveurs de bière. Sa stratégie de conquête s'appuie sur les mêmes armes que les groupes du Nouveau Monde : une marque, une gamme simple de vins faciles à boire (testés auprès de consommateurs) et un lourd investissement en marketing et force de vente pour lancer l'ensemble, en Grande-Bretagne, en France et aux États-Unis dans un premier temps. Deux millions d'euros ont déjà été investis d'après Pascal Renaudat, qui indique que ?8 millions d'euros par an seraient nécessaires pour être forts sur trois ou quatre pays en terme de communication et de référencements?. Le président d'OVS ne cache pas qu'une réorganisation de capital va devoir être réalisée : ?Il nous faut trouver d'autres investisseurs. Il s'agit de se donner les moyens de ses ambitions?. Et les ambitions affichées d'OVS sont grandes. Le groupe compte vendre 4 millions de bouteilles fin 2006 (dont 1,5 millions en Grande-Bretagne), 7 à 8 millions en 2007, 25 millions en 2009 et 30 millions en 2010. OVS souhaite commercialiser sa marque dans les 10 pays les plus consommateurs de vins au monde et la hisser dans le top 3 des marques les plus vendues aux États-Unis.
Une gamme innovante taillée sur mesure pour l'exportRien ne semble avoir été laissé au hasard dans la gamme Chamarré. Le nom, tout d'abord, conçu pour être mémorisable tout en évoquant une certaine sophistication très française. Chamarré est aussi le nom d'un papillon, représentant ?la légèreté, la délicatesse et la vivacité?, indique OVS. Un papillon que l'on retrouve sur les bouteilles, longilignes et au packaging très étudié, avec des étiquettes épurées, souvent verticales mais élégantes et de bon ton. ?On ne pouvait pas casser tous les codes, on en casse déjà beaucoup, confie Régis d'Indy, directeur commercial d'OVS. Nous avons voulu rester un peu traditionnels. Mais on évoluera peut-être encore un peu à l'avenir?. OVS a confié la conception du packaging à l'agence britannique de design BlackBurn's. Le concept de Chamarré se décline en trois gammes. Une première gamme, Sélection (3,75 euros environ la bouteille), propose des bi-cépages, cabernet sauvignon-grenache, syrah-merlot, colombard-sauvignon?et relève de la catégorie vin de pays. La gamme Réserve spéciale (autour de 4,95 euros) se veut résolument innovante en osant l'assemblage de vins de cépages de différents vignobles français : chardonnay, sauvignon et colombard du Gers avec un vermentino de Corse et un chenin de Loire par exemple... Ces blends ne peuvent être commercialisés qu'en vin de table. Enfin, une troisième gamme, Tradition, réunit deux AOC, un Bordeaux (6,80 euros) et un Jurançon (8 euros). ?Il était temps de s'éloigner des codes et de cette complexité de l'offre qui caractérise notre production. Chamarré est une marque accessible et répond aux critères de qualité constante et de style frais et fruité que recherchent les consommateurs d'aujourd'hui?, explique Renaud Rosari, œnologue et vinificateur de la marque.
Des vins commercialisés en Grande-Bretagne, en France et bientôt aux États-UnisOVS a décroché ses premiers référencements sur le marché britannique en juin dans les enseignes Morrisons (supermarchés), Somerfield (magasins de proximité), Thresher (cavistes) puis récemment auprès de Co-op (magasins d'alimentation) et Asda (hypermarchés). Selon OVS, Chamarré est présente aujourd'hui dans 50% de la distribution numérique en Grande-Bretagne, ce qui serait une première pour une marque dans sa première année. Le groupe annonçait en septembre déjà 800 000 bouteilles vendues. Sur le marché français, les vins Chamarré sont disponibles chez Leclerc et vont bientôt l'être chez Monoprix, tout d'abord dans le cadre d'une opération spéciale fin octobre début novembre puis en permanence à partir de janvier 2007. OVS compte démarcher d'autres enseignes françaises l'année prochaine. Troisième cible actuelle pour Chamarré : les États-Unis. Une filiale, OWS, y a été implantée en juillet et les prospections y sont menées dans une vingtaine d'Etats en grande distribution et magasins spécialisés. A côté des gammes légèrement modifiées, une gamme spécifique a été conçue pour le marché américain, « Grandes Réserves », proposant des assemblages de vins d'un même cépage issus de différentes régions. Elle se décline en cabernet sauvignon, chardonnay et pinot noir, actuellement à la mode outre-Atlantique. « Cette gamme se positionne en premium (12 dollars) et le packaging est doré, très flashy. Elle a reçu une très bon accueil et pourrait être proposée en Europe à l'avenir » déclare Régis d'Indy. Le directeur commercial d'OVS annonce un million de cols vendus ou en commande sur les trois marchés. Reste à voir à présent si les objectifs ambitieux d'OVS seront atteints et sa solidité financière assurée.