e marché des vins à faible teneur en alcool suscite à nouveau l’intérêt. Le contexte économique difficile de la filière incite à une diversification de la production vers des produits innovants, en réponse à de nouvelles attentes du marché. Par ailleurs, l’évolution des techniques culturales, couplée au réchauffement climatique, a conduit à une élévation du degré alcoolique des vins, notamment dans les vignobles méridionaux. Or bon nombre de consommateurs aujourd’hui, conditionnés par les campagnes de lutte contre l’alcoolémie au volant, sont beaucoup plus sensibles à la richesse alcoolique et recherchent des vins plus légers et digestes, mieux adaptés au mode de consommation moderne.
Des solutions technologiques pour répondre à une attente des consommateursPour corriger la richesse en alcool des vins, différentes solutions sont possibles et actuellement à l'étude. Certaines sont à long terme et portent sur la sélection de nouveaux cépages ou la réintroduction de variétés disparues comme le Morastel ou l'Aspiran, présentant à maturité de faibles richesses en sucre. Autre axe d'étude : la recherche de levures dont les capacités de transformation de sucre en alcool seraient réduites. D'autres, à plus court terme, consistent à diminuer la richesse alcoolique des vins, soit en retirant du sucre dans les moûts, soit en éliminant de l'alcool dans les vins finis
Deux techniques de désalcoolisationDeux techniques, d'ores et déjà utilisées dans les pays du Nouveau Monde, sont actuellement en cours d'expérimentation en France, la désalcoolisation n'étant pas une pratique œnologique autorisée à ce jour.
L'osmose inverseElle permet, en passant le vin à forte pression (80 bars) sur une membrane (type filtration tangentielle) d'éliminer du vin initial un mélange d'eau/alcool (P1). Il faut donc ensuite éliminer l'alcool du perméat (P1) pour pouvoir réincorporer l'eau endogène dans le vin traité afin de retrouver un extrait sec proche du vin initial. Cette technique, qui a l'avantage de ne pas entraîner de perte d'arômes, est celle utilisée par la société LIR , qui propose d'élaborer, à partir de vins finis, des boissons fermentées à base de raisins titrant 6% d'alcool, commercialisés sous la marque LIR. A ce jour, une vingtaine de producteurs et négociants ont tenté l'expérience et ajouté à leur gamme ce nouveau produit à faible degré d'alcool. C'est également cette technique qu'utilisent François et Vincent Puigibet au Domaine de la Colombette, à Béziers, pour diminuer d'un à deux degrés le titre alcoométrique de leurs vins haut de gamme et proposer une gamme de vins à 9%, qui rencontre un beau succès sur le marché français.
Evaporation sous videLa seconde technique consiste à éliminer l'alcool par évaporation sous vide plus ou moins poussé, permettant la vaporisation de l'alcool à moindre température. Une partie des arômes, les plus volatils, est également éliminée au cours de la distillation et doit être ensuite fractionnée pour être réincorporée dans le vin désalcoolisé. L'élimination d'alcool peut être réalisée soit sur l'ensemble du vin à traiter, soit sur une partie du volume qui est alors fortement désalcoolisée et ensuite assemblée avec le volume initial. C'est la technique la plus utilisée dans les pays du Nouveau Monde pour diminuer d'un à deux degrés le titre alcoolique de vins haut de gamme. C'est également celle employée en France pour élaborer les vins « sans alcool » comme le Bonne Nouvelle de l'Uccoar, qui en vend chaque année 1,5 million de cols.
Rédux : pour réduire la teneur en sucre des moûtsMis au point par la société Vaslin-Bucher et Médaille d'or au Sitevi 2005, le procédé Rédux permet de réduire la teneur en sucre des moûts avant fermentation, en utilisant deux étapes successives de filtrations sélectives par membrane. L'intérêt de cette technique est d'intervenir en amont de la fermentation. Les équilibres finaux du vin sont moins perturbés, les risques d'arrêt de fermentation liés à des degrés d'alcool potentiel trop élevés sont réduits. En revanche, la perte de volume générée par cette extraction de sucre est plus importante que celle induite par les techniques de désalcoolisation des vins. Ce procédé a déjà été testé au Chili, en Californie et en Argentine. Des essais ont été mis en place cette année par l'ITV dans le Gard, les Côtes du Rhône et les Côtes de Provence. Les résultats sont attendus en début d'année pour les rosés et avant l'été pour les rouges.
Des cépages à faible potentiel, des fermentations arrêtée à 9°Enfin, le groupe Listel a, lui, choisi une option technique différente pour élaborer son Listel Cuvée Pink, un rosé titrant 9% d'alcool : à la base, une sélection de cépages qui, à maturité, atteignent un faible degré d'alcool. La fermentation est stoppée dès que les 9 degrés d'alcool sont atteints. Le sucre résiduel apporte rondeur et sucrosité pour un produit léger et fruité destiné à une clientèle jeune, aujourd'hui peu consommatrice de vins. Listel, qui a lancé cette nouvelle cuvée en tout début d'été, a vendu 200 000 bouteilles et prévoit de «largement doubler les volumes» l'année prochaine. «C'est la première fois de toute ma carrière qu'un nouveau produit suscite autant de réactions. J'ai reçu un nombre incroyable de mails depuis le lancement de ce rosé», s'émerveille David Boissier, le directeur marketing de Listel. Un engouement qui semble confirmer ce nouvel intérêt du marché pour des vins à degré alcoolique modéré.