e groupe américain Gallo lancera en mars sa première gamme d'AOC française, «Pont d'Avignon». Le fruit d'une coopération étroite avec la Compagnie Rhodanienne. Les explications de Pierre Philippe, directeur commercial et marketing de l'entreprise gardoise.
«Chez Gallo, nous avons rencontré des hommes du vin»
Les premières rencontres avec Gallo ont eu lieu il y a deux ans et demi. Nous avons été consultés pour l'opération «Red Bicyclette»*, et nous avons profité de l'occasion pour leur parler de nos AOC. Pour Joe Gallo, le vin français, c'est le «gold standard», la référence. Nous leur avons présenté plusieurs produits, et ils nous ont progressivement orientés vers ceux qui leur convenaient. Ce qui les a intéressés dans la Compagnie Rhodanienne, c'est à la fois notre motivation, une culture technique très forte, une même sensibilité par rapport au produit, mais aussi l'originalité de notre structure : nous sommes un négociant, mais 30% du capital est détenu par les producteurs. Et puis, il y a un «courant syrah» important aux Etats-Unis. Il ne faut pas oublier que c'est la première AOC française qu'ils lancent. * Marque de vin français lancée aux Etats-Unis par Gallo fin 2004. C'est la cave du Sieur d'Arques, à Limoux (Aude), qui a finalement été choisie pour fournir les vins.
Quelle est la «méthode Gallo» ?Les gens de Gallo ont une approche agroalimentaire dans le marketing : ils définissent des cibles de consommateurs, des catégories très précises, avec en face de chaque catégorie un certain profil de produit. En même temps, ils ont un grand respect du savoir-faire et de la notion de terroir. Nous avons rencontré des hommes du vin, pas des industriels froids et austères. Aux Etats-Unis, ils ont des domaines magnifiques. Leurs œnologues ont été présents dès la sélection des parcelles. Ils collaborent avec une grande intelligence. C'est une équipe trans-culturelle, avec des Australiens, des Anglais? Pour la vinification, le cahier des charges est très précis. Ensuite, ils reviennent régulièrement pendant l'élevage pour goûter les vins, affiner les assemblages? Cela nous a apporté en termes de méthodologie, de rigueur dans le process et le montage de projet. On a rencontré des techniciens de très haut niveau. Pour le travail sur la marque, nous nous sommes occupés de la négociation avec la société d'économie mixte qui gère le nom «Pont d'Avignon». Ensuite, le design, le graphisme, c'était plutôt leur partie, mais ils nous demandaient toujours notre avis.
A l'arrivée, est-ce du Côtes du Rhône ou du Gallo ?C'est un Côtes du Rhône, aucun doute là-dessus ! Mais dans les Côtes du Rhône, il y a des choses très différentes. Celui-là a sans doute des tanins plus soyeux, une couleur plus profonde, davantage de fruit que d'autres.
Comment peuvent réagir les Français face à l'émergence des grands groupes anglo-saxons ?En France, le problème c'est la composante marketing : on ne se préoccupe pas assez des consommateurs. L'autre aspect qui est trop oublié, c'est la distribution. Gallo a une grande puissance grâce à son réseau de vendeurs sur le terrain. En France, la vente n'est pas bien considérée. Chez eux, c'est l'inverse ! L'arrivée de ces grands groupes, cela traduit un changement radical et nécessaire, comme celui qu'ont connu les spiritueux il y a quelques années. En France, si on continue en ordre dispersé, on ne va pas s'en sortir. Il faut des «gros». Aux Etats-Unis ou en Australie, il y a un «top 4» ou un « top 5 », c'est-à-dire des groupes capables de monter des marques, et derrière eux, tout un tas de petites structures qui font leurs propres produits.