es vins sans alcool ou peu alcoolisés (moins de 10%) refont parler d’eux. Plusieurs marques françaises et étrangères ont été lancées récemment. Le point sur ce marché encore peu développé.
Une conjoncture favorableEn France, deux phénomènes poussent aujourd'hui les opérateurs à s'intéresser aux vins peu ou pas alcoolisés : 1) La répression accrue en matière d'alcool a changé les habitudes de consommation. «Le durcissement de la réglementation ouvre au vin désalcoolisé des marchés qui ne s'y intéressaient pas jusqu'à présent, comme la restauration», explique Patrice Girin, directeur marketing de l'Uccoar, groupement audois qui produit le vin sans alcool « 0° ». 2) La baisse structurelle de la consommation de vin en France incite au lancement de nouveaux produits, en direction notamment des jeunes et des femmes. «Aujourd'hui, on fait davantage des vins à déguster, autour de 13%, que des vins à boire »,constate Jean-Pierre Laporte, ingénieur à l'Inra.«Or, il y a une demande pour des vins légers, faciles à boire.» Toutefois, il n'est pas sûr que la réduction du taux d'alcool dans le vin soit de nature à séduire les jeunes. Un récent sondage de la Fédération des Vignerons Coopérateurs de Vaucluse indique plutôt le contraire. A la question«Préféreriez-vous que les vins aient un taux d'alcool plus faible ?», les 18-28 ans interrogés ont répondu «non» à 78%. «Il semble que les jeunes font bien la différence entre les «alcools à boire» (les alcools forts et la bière) et le vin qui se ?déguste'»,explique-t-on à la Fédération.
Les vins sans alcool, un marché de nicheLes «vins sans alcool» sont en réalité des boissons à base de vin désalcoolisé. En France, le pionnier du secteur est l'Uccoar, qui a lancé dès 1989 la marque «0°». Le procédé, sous licence de l'Inra, consiste à désalcooliser le vin par distillation sous vide à basse température, puis à l'enrichir avec des moûts concentrés de raisin. Il se vend chaque année 1,5 million de cols de «0°» dans les grandes surfaces. La croissance des ventes est d'environ 10% par an. Les acheteurs :«Des gens qui ont besoin d'un produit sans alcool, souvent pour des raisons médicales»,résume Patrice Girin, directeur marketing de l'Uccoar. «Si on arrive à élargir cette famille d'acheteurs et à faire entrer les vins sans alcool dans la sphère de la consommation-plaisir, alors il y aura un grand potentiel pour ces produits»,ajoute-t-il. Chez Auchan, le «0°» représente environ 2% du chiffre d'affaires des vins de table. «C'est une niche, mais elle se maintient en volume, contrairement aux vins de table qui baissent»,constate un acheteur vins du groupe Auchan. Une autre entreprise française, Signatures d'Alsace, vient de se lancer sur ce marché.«La demande était déjà latente il y a trois ou quatre ans, elle s'est amplifiée depuis six mois avec l'effet Sarkozy», explique Bruno Marret, gérant. La demande serait notamment forte dans la restauration collective. L'entreprise alsacienne commercialise depuis avril un blanc, un rouge, un rosé et un mousseux sous la marque «La Côte de Vincent». Les vins, élaborés en France, sont désalcoolisés en Allemagne (teneur finale : 0,3%). Cibles : «Tous les gens qui ne peuvent pas boire de vin, du sportif au diabétique en passant par le client de la restauration.»A l'étranger, il existe plusieurs opérateurs spécialisés dans le vin désalcoolisé. Les principaux sont l'allemand Carl Jung et les américains Ariel et Sutter Home. Ce dernier commercialise la gamme «Fre», avec sept références (dont un chardonnay, un merlot et un zinfandel) titrant moins de 0,5%. Ces vins sont vendus à près de 5 dollars la bouteille sur Internet.
Le renouveau du «low alcohol»Le marché des vins faiblement alcoolisés est hétéroclite. On y trouve des teneurs en alcool allant de 10% à 1%, depuis les vins européens traditionnellement légers (comme la Clairette de Die ou le Vinho Verde portugais) jusqu'aux «low alcohol wines» américains et australiens, en passant par des effervescents comme le «pétillant de raisin» (3%), mis au point par l'Inra, qui se vend chaque année à plus de 5 milions de cols. Dès les années 70, des wineries américaines avaient tenté de lancer des produits titrant 6 à 7%, mais sans succès durable. Ces dernières années, de nouvelles marques ont fait leur apparition. L'australien BRL Hardy a lancé en 2001 la gamme Wicked Wines, avec deux vins (un blanc et un rouge) faiblement alcoolisés (6,2%), produits dans la région de Riverland. Parallèlement, un autre australien, Foster's, a lancé via sa filiale Cellarmasters la marque Swaying Willow, un chardonnay très peu alcoolisé (1%) issu de la Barossa Valley. A noter : ces vins sont souvent commercialisés en tant que «vins diététiques» («diet wines»), les producteurs insistant sur leur faible teneur en calories (celle-ci est réduite des deux-tiers pour le chardonnay Swaying Willow). De son côté, le groupe de vins et spiriteux Diageo (Smirnoff, Bacardi, Guinness) a ainsi lancé l'an dernier la marque Sorella, un vin conçu pour une clientèle féminine dont la teneur en alcool est divisée de moitié. Le chardonnay, cépage de base, est combiné à de l'eau pétillante et à des arômes de framboise? Ce produit hybride, vendu en bouteilles de 27 cl, est le résultat d'une vaste étude de marché menée par Diageo. Cible : les femmes de 25 à 34 ans qui boivent volontiers du vin chez elles mais hésitent à le faire dans les bars et les restaurants. Ces femmes, explique-t-on chez Diageo, n'aiment ni la bière ni les «premix» et trouvent les spiritueux trop forts et trop chers.
Listel lance un rosé à 9°En France, Listel est le premier grand opérateur à commercialiser un vin tranquille en mettant en avant sa faible teneur alcoolique : la filiale du groupe Val d'Orbieu lance début mai la marque «L». Ce rosé, coiffé d'une capsule à vis, affiche un taux d'alcool de 9° (prix indicatif : 2,5 euros). Il est commercialisé en grande distribution. Cibles : les jeunes adultes et les femmes.«Nous sommes partis d'une analyse du marché : les consommateurs occasionnels ont besoin de produits plus simples. A cela, il faut ajouter toute la campagne actuelle autour de la sécurité routière», explique David Boissier, responsable marketing de Listel. «L'accueil des distributeurs est très favorable». Ce lancement aura valeur de test pour le Val d'Orbieu. En cas de succès, rien ne s'opposera au lancement d'autres vins légers en alcool?