n Suède, comme en Finlande et en Norvège, la vente de vin est un monopole d'Etat. Systembolaget, le monopole suédois, s'est lancé dans une campagne de séduction afin de dépoussiérer son image. Mais pour les producteurs étrangers, le marché suédois reste atypique et difficile à pénétrer.
L'entreprise d'Etat Systembolaget détient un monopole absolu sur la vente au détail d'alcools. Cette situation remonte aux années 50, époque où les pouvoirs publics suédois ont lancé une campagne de lutte contre l'alcoolisme. Systembolaget compte 420 magasins, dont 130 en libre-service. Au total, 1 500 vins sont référencés par le réseau, mais l'assortiment effectivement disponible dans les magasins est beaucoup plus restreint. Le monopole n'a pas le droit de se fournir directement à l'étranger, et doit faire appel à des importateurs locaux. Il en existe 350 agréés, mais seulement une centaine sont professionnels, et les dix premiers concentrent 68 % des volumes. Le principal est Vin & Sprit, ancien monopole, qui détient 20 % du marché. Systembolaget lance régulièrement des appels d'offres auprès des fournisseurs pour renouveler ou enrichir sa gamme. La mission économique de l'ambassade de France informe les producteurs français sur ces appels d'offres sur son site (www.dree.org/suede). Mais les places sont chères, et les candidats doivent s'armer de patience. En moyenne, pour un vin lancé par le monopole, celui-ci a reçu 45 offres? « Le monopole reste difficile à pénétrer. Il faut choisir le bon importateur et s'y tenir, en lui apportant tout le soutien possible. Ne pas s'attendre (sauf coup de chance) à ce qu'en quelques mois il ait réussi à vendre des volumes substantiels », explique Daniel Blanc, de la mission économique française à Stockholm. Certains vins peuvent également être retenus à titre de test, mais le délai d'attente sur cette liste est d'environ deux années? Le monopole représente les deux-tiers de la consommation totale de vin en Suède. Il est de plus en plus concurrencé par les achats réalisés à l'étranger (environ 20% de la consommation), la consommation en restaurant (8%), sans oublier la contrebande et la « fabrication-maison ». Les achats à l'étranger devraient continuer à progresser, d'autant que la quantité autorisée par personne passera de 52 à 90 litres en 2004. En revanche, les achats directs de vin par internet restent interdits.
Le monopole vante ses charmesEn 1997, Systembolaget avait obtenu une victoire majeure auprès de la Cour de Justice européenne, qui avait légitimé le maintien du monopole sur les ventes d'alcool, estimant que ce système s'appuyait sur des motifs de santé publique. Mais, confronté à la concurrence croissante des achats dans les pays de l'Union européenne où la taxation est plus faible (notamment le Danemark et l'Allemagne), l'entreprise d'Etat est passée à l'offensive. Elle a lancé un plan de modernisation : diminution du nombre de références dans les magasins, généralisation progressive du libre-service, catalogues plus attrayants, horaires d'ouverture élargis? Elle mise également sur le développement du Bag-In-Box, très populaire, y compris pour des AOC comme le Chablis. Les BIB représentent aujourd'hui plus de 40% de ses ventes en volume. Systembolaget vient de mener une campagne de publicité (Voir « humour suédois ») pour s'autojustifier auprès des consommateurs suédois, vantant les avantages de son système, et allant même jusqu'à conseiller à la France d'instaurer, elle aussi, un monopole sur la vente d'alcool?
Des consommateurs occasionnels, sensibles aux marquesLa consommation de vin par habitant reste modeste en Suède : elle est estimée entre 22 et 28 litres par an, et se concentre surtout le week-end. La consommation régulière en semaine, de type méditerranéen, est minoritaire mais progresse. Les vins rouges représentent 63% de la consommation de vins tranquilles, les blancs 36%, les rosés seulement 1,3%. Le consommateur suédois aime plutôt les rouges fortement alcoolisés (13° et plus), à robe sombre, peu tanniques, si possible boisés, au bouquet fruité, avec une pointe de douceur, « du type de ceux de la Rioja », précise Daniel Blanc. Ils n'apprécient guère la complexité, sont sensibles aux marques et accordent une grande importance à l'étiquette. Cet aspect est de plus en plus important, à mesure que se développe la vente en libre-service (auparavant, il fallait s'adresser au vendeur pour obtenir une bouteille). La publicité pour l'alcool étant interdite, les avis des journalistes spécialisés ont une influence majeure sur les achats. Les taxes sont élevées : elles atteignent 2,4 euros pour un litre de vin. En ajoutant les diverses marges et frais de transport, une bouteille vendue au prix de départ de 1,5 euros se retrouve dans les rayons de Systembolaget aux alentours de six euros.
L'Italie en forte progressionLa Suède n'ayant pas de vignoble, toute la consommation de vin est importée. Les importations de vins tranquilles ont représenté en 2000 plus de 115 millions de litres, dont 27% en vrac. La France, qui était historiquement le premier exportateur, a subi un fort recul en 1996 en raison du boycott lié aux essais nucléaires dans le Pacifique : sa part de marché est passée de 16% à 9,7%. Elle est remontée depuis, pour atteindre 14% en 2001 (24 millions de litres exportés, en hausse de 6%). Le Languedoc-Roussillon est de loin la première région française exportatrice en Suède (plus de 7 millions de litres), et a obtenu la deuxième place en 2002 dans le classement des « régions viticoles de l'année », établi par des journalistes spécialisés. Cette situation s'explique notamment par les bons résultats des vins de pays d'Oc. Le premier exportateur est aujourd'hui l'Espagne, avec 26% du marché, devant l'Italie (18%). Cette dernière est en très forte progression sur le marché suédois (+21% en 2001), grâce à ses efforts pour séduire les consommateurs suédois. « Les Italiens ont fait un travail considérable d'adaptation de leurs vins (goût et emballage) à la demande nordique», souligne Daniel Blanc. Une leçon à méditer pour les producteurs français ?
Les parts de marché des pays producteursParts du marché suédois en volume (pour les vins < 15%) Source : Mission agricole du CFCE à Stockholm PaysPart de marché 2001 (%)Evolution sur 2000Espagne26,5+ 3,6Italie17,9+ 21,4France14,1+ 6Chili8,6+ 30,2RFA6,9+ 5,3Australie4,9+ 3,9Afrique du Sud4,7+ 23USA3,6- 11,8Hongrie3,2+ 47,4Nouveau Monde*22,7+ 11,1 * Ensemble des pays du nouveau monde