ertaines maladies « rapprochent » cocotiers et vignes par leurs effets et par les connaissances que l'on en a. Ainsi en est-il de deux maladies de la vigne, la maladie de Pierce et la flavescence dorée, et du jaunissement mortel du cocotier (voir Cirad Info n°124). En mars dernier, un colloque organisé à Montpellier par l'Agro Montpellier et l'Usda portait sur les moyens de lutte contre ces maladies de la vigne. Les axes de recherches relevés sont les mêmes que pour le jaunissement mortel du cocotier: étude des vecteurs et de l'agent pathogène. Une collaboration entre la France et les Etats-Unis est envisagée, ainsi que des projets de recherche transversaux, un programme d'échange et le partage des connaissances.
Contact Frédéric BOURG Cirad Infos n°128 septembre 2002
frederic.bourg@cirad.fr
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En 1999-2000, le vignoble sud-californien de Temacula a été fortement touché par une maladie réapparue aux Etats-Unis : la maladie de Pierce. Transmise par certaines cicadelles, la bactérie responsable, Xylella fastidiosa, sévit sur le continent américain et ravage les vignobles. Facteur important dans le développement de la maladie : le climat, trop favorable au vecteur, qui limite depuis de nombreuses années l'installation de vignes en Floride, Etat aux conditions propices à son développement. Le cocotier quant à lui est touché par une maladie à phytoplasme, le jaunissement mortel du cocotier (Jmc), qui menace l'ensemble des plantations de la zone caraïbe et décourage la culture du cocotier dans certains pays africains. 'Il existe de grandes homologies dans les stratégies de contrôle de ces maladies, explique Michel Dollet, phytopathologiste du Cirad-emvt spécialiste du Jmc. Tout d'abord, on ne peut miser sur la résistance variétale. Ensuite, il reste à déterminer les vecteurs. De plus, les orientations actuelles des travaux concernent la lutte intégrée dans laquelle la partie lutte contre le vecteur est essentielle'. Enfin, une autre maladie de la vigne, la flavescence dorée, causée par un phytoplasme, est également transmise par des cicadelles. 'L'espèce vectrice a été accidentellement importée des Etats-Unis en Europe,' complète Elisabeth Boudon, chercheur de l'Inra et spécialiste de cette maladie. Pour en venir à bout, la lutte contre ces trois maladies se fera en parallèle, grâce à une coopération entre la France et les Etats-Unis.
Des risques de propagation de la maladie de Pierce existent en EuropeParticulièrement sensibilisés aux risques inhérents à la maladie de Pierce, parfois comparée au Phylloxera, les Etats-Unis ont investi six millions de dollars pour la recherche l'année passée. Ils devraient y consacrer le double en 2002, et, à ces importants moyens devrait s'ajouter une coopération avec la France, pays vigneron s'il en est. Epargnées pour l'instant par la maladie, les vignes françaises ne sont pas à l'abri. 'Les études climatologiques ont montré que le bassin méditerranéen ? Espagne, Italie, sud de la France, Grèce, Portugal et Afrique du Nord ? réunissait les conditions climatiques favorables à son développement, raconte Michel Dollet. Plus inquiétant pour ces vignobles, la bactérie a déjà été détectée dans des vignes du Kosovo et pourrait également être présente en Afrique du Nord.' La situation est d'autant plus risquée que, pour Alexander Purcell, professeur à l'Université de Berkeley et spécialiste de la maladie de Pierce, 'les conditions climatiques kosovares ne sont pas favorables en hiver pour la maladie de Pierce. En revanche, si la maladie atteint des pays au climat plus chaud, comme la Grèce ou le sud de l'Italie, les conséquences pourraient être désastreuses si un vecteur approprié s'y trouvait'. En effet, si la Californie est la 5è région productrice de vin, ce sont trois pays européens - Italie, France et Espagne - qui arrivent en tête, tous les trois du pourtour méditerranéen? Devant le danger, il faut tout faire pour que les vecteurs n'apparaissent pas en Europe. Pour cela, Elisabeth Boudon, Alexander Purcell et Michel Dollet sont d'accord : après introduction de la maladie, il est extrêmement difficile de lutter. 'La première précaution est donc le transport de matériel de plantation douteux et d'espèces vectrices, précise Elisabeth Boudon. Les cicadelles responsables de la flavescence dorée ont trouvé pour se reproduire des conditions exceptionnelles en Europe. Pour la maladie de Pierce, on connaît le rôle d'une cicadelle appelée glassy-winged sharpshooter. Ce vecteur n'existe pas encore en Europe, mais gare à son introduction !' Alexander Purcell rappelle en effet que 'depuis l'invasion de ces insectes venus du sud-est du pays, la maladie de Pierce a pris une toute autre importance en Californie'.
Lutter contre ces maladies complexesSi les pays doivent se garder du vecteur, il faut également qu'ils améliorent les connaissances sur la maladie et son épidémiologie. 'La flavescence dorée, la maladie de Pierce et le jaunissement mortel du cocotier sont trois maladies complexes, rappelle Michel Dollet. Elles font intervenir des vecteurs, qui ne sont pas complètement identifiés pour les deux dernières. Pour le Jmc, un vecteur aurait été identifié en Floride, mais une forme fulgurante de la maladie est apparue, qui pourrait être liée à un autre vecteur. C'est ce qui s'est passé avec la maladie de Pierce'. Ainsi, l'expérience acquise sur l'une de ces maladies servira pour les autres. L'une des voies prometteuses de recherche pourrait être l'étude du génome. Les Etats-Unis ont ainsi investi 300 000 US $ dans une commande au Brésil pour le séquençage de Xylella fastidiosa. En effet, une équipe de chercheurs du Brésil a déjà séquencé une bactérie de la même espèce responsable de dégâts considérables sur orangers. La lutte est donc vaste. Elle va de la mise en place de mesures de quarantaine pour éviter la dispersion, à la recherche d'auxiliaires de lutte biologique, en passant par le piégeage mécanique ou la lutte chimique raisonnée. Enfin, les biotechnologies sont porteuses d'espoir et pourraient apporter aux plantes une résistance qui leur fait cruellement défaut. Contact : michel.dollet@cirad.fr, téléphone : 04 67 59 39 22.




