nterview réalisée par Cécile Vuchot
Dans le Bordelais, quelles réflexions la crise viticole amène-t-elle ? La crise est ressentie différemment, ici. Nos distributeurs éprouvent quelques difficultés à écouler les Bordeaux et les Bordeaux supérieurs, c'est certain. Mais par le négoce de place, qui vend nos vins en primeur, la demande est soutenue et marquée sur le millésime 2000. En fait, depuis 3-4 ans, le fossé se creuse de plus en plus entre les grands crus classés et les génériques. A cela, je ne vois qu'une réponse : la qualité. Or, le système des AOC n'est pas suffisamment protecteur sur le plan qualitatif. Il rassure le consommateur, sans garantir le niveau qu'il faudrait. La première responsabilité va aux agréments qui laissent passer des vins qui ne le méritent pas. Ces produits, une fois à l'étranger, détériorent l'image collective des vins français et en particulier des appellations. Alors, les consommateurs se retournent vers des productions plus exotiques, mieux packagées? Je crois qu'il ne faut pas avoir peur de refuser des vins ! La qualité c'est une volonté. A nous de vendre nos spécificités. On nous aimera pour ça. On n'a pas à se comparer aux étrangers. Quelle importance accordez-vous au marketing ? Le packaging ne doit pas être un cache-misère. Il s'agit de trouver l'équilibre entre une jolie présentation et un vin qui, derrière, tient la route ! Or, c'est souvent mauvais et mal présenté? Il faut savoir que l'étiquette traditionnelle en parchemin n'est plus vendeuse à l'export ! Les vignerons ont besoin de conseils pour mieux saisir la sensibilité de leur clientèle. En fait, la démarche marketing n'est pas du tout intégrée, c'est malheureux. On peut se permettre de dire « je fais le vin qui me plaît, qui me ressemble » lorsque l'on est fort. Mais quel est l'intérêt de faire des vins de paysans qui ne se vendent pas ? A chacun de s'adapter. Prenons un parallèle : tandis que Rolls Royce peut se permettre de ne pas négocier ses produits, Fiat pratique couramment des remises? Comment voyez-vous l'avenir de la filière viticole française ? La filière n'est pas du tout intégrée. Par exemple, sur le plan de la communication, des actions collectives avec des visuels spécifiques selon les appellations, seraient nécessaires. Malheureusement, tout le monde est très individualiste. Une interprofession, par exemple, a une logique d'ensemble qui diffère des objectifs particuliers? C'est là une grande faiblesse. Tandis que c'est le point fort des grandes marques, qui se développent vite car elles n'ont que leurs propres problèmes à gérer. Mais je reste néanmoins optimiste. Et je crois que les marchés de consommation traditionnels reviendront tôt ou tard sur de bonnes bases, c'est-à-dire vers les vins français.