"Les orientations préconisées vont trop loin, déclare Jean-Pierre Ruyskensvelde, directeur général de l’IFV. Cela mettrait la viticulture française dans une course de vitesse en l’absence de solutions alternatives immédiates." (© Viti-net)
De nouveaux critères plus sévères d’exclusion de molécules phytosanitaires ont été proposés par la Commission européenne et le Parlement européen. Ceux-ci sont basés sur l’impact des substances sur la santé humaine et l’environnement (risque cancérogène, neurotoxique, de perturbation endocrinienne, impact sur la reproduction, persistance...). L’IFV s’est penché sur les conséquences du retrait voire de l’exclusion de molécules phytosanitaires en cas d’application de ces critères. Se basant sur une étude britannique réalisée en mai 2008 par le Pesticides Safety Directorate (un organisme gouvernemental britannique), l’IFV passe au crible 286 molécules selon les critères d’exclusion proposés par la Commission ou le Parlement européen.
Pour la lutte contre le mildiou, les dithiocarbamates pourraient être retirés du marché (mancozèbe, manèbe, metirame). Ces substances sont surtout utilisées en “association avec des molécules pénétrantes ou systémiques, et permettent de limiter en particulier les risques de résistance du mildiou à ces fongicides souvent unisites” indique l’IFV. Plus inquiétant encore, la commission environnement du Parlement européen souhaite interdire le cuivre, sous différentes formes, en raison de sa toxicité envers les abeilles. Le Folpel est lui aussi mis en cause. Le Parlement voudrait le faire substituer par un autre fongicide. Mais lequel ? Et avec quel mode d’action ? “Si le cuivre est exclu et le Folpel à substituer, c’est toute la lutte anti mildiou qui se trouverait gravement fragilisée”, indique l’IFV qui rappelle qu’en cas de forte pression mildiou, comme en 2007 et 2008 “la solidité des outils fongicides mis en œuvre sur le vignoble doit être sans faille” et que les molécules unisites conduisent à des résistances.
Un risque réel d’impasses techniquesContre l’oïdium, la Commission et le Parlement envisagent l’exclusion d’un plus grand nombre encore de molécules : triazoles, quinoxyféne... Pour le Parlement, les Qol seraient à substituer, tout comme le Folpel. “Ne resteraient disponibles sans restriction annoncée que le soufre et l’extrait de fenugrec. Nous débouchons de fait sur une impasse technique en matière de protection anti oïdium, hormis la possibilité de revenir au soufre toute la campagne viticole !” lance l’IFV.
Contre le botrytis, l’iprodione et le thirame seraient retirés. Le cyprodinil serait à substituer pour la Commission. Le Parlement européen souhaite la substitution de deux autres produits (fluazinam et le thiophanate méthyl), ce qui rendrait plus compliquée la mise en œuvre de l’alternance de matières actives pour lutter contre les résistances. Pour les herbicides, nombre de molécules sont également en ligne de mire, y compris le glyphosate du côté du Parlement européen.
L’IFV tire donc la sonnette d’alarme sur l’impact de ces retraits ou substitutions de produits s’ils étaient entérinés. “Au cours des dernières années la viticulture a réduit de 40% sa consommation de phytosanitaires. Les orientations préconisées vont trop loin, déclare Jean-Pierre Ruyskensvelde, directeur général de l’IFV. Cela mettrait la viticulture française dans une course de vitesse en l’absence de solutions alternatives immédiates.” Cependant, la commission environnement du Parlement indique qu’une substance pourra être autorisée temporairement, “même si elle ne satisfait pas aux critères de sécurité” si elle est “indispensable pour combattre un danger phytosanitaire grave”. Le vote en séance plénière au Parlement pourrait intervenir en décembre ou janvier après négociations sur certains points avec le Conseil des ministres européens de l’Agriculture.