L’étude est conduite sur Vitis vinifera variété Cabernet franc dans la moyenne vallée de la Loire, et tente de mesurer l’évolution des composés phénoliques des pépins, du stade nouaison à la véraison. Les pépins sont des marqueurs précis de la maturité phénolique: elle se mesure par la composition et la localisation des tanins (flavanols), localisés dans la pellicule, la pulpe mais surtout dans les pépins.
Une spécificité des tanins des pépins : leur taille et leur dureté
La structure d’un tannin est plus ou moins grosse selon le nombre et la longueur des polymères qui le composent. Durant le processus de vinification, ces tanins ont tendance à se polymériser, se condenser entre eux, et se complexifier. C’est la sensation d’astringence que l’on a en bouche lors d’une dégustation.
Yves Cadot a étudié les différences de structure des tanins contenus dans la pellicule et ceux contenus dans les pépins : ces derniers contiennent des tanins plus courts mais qui sont plus nombreux et de nature plus astringente, donnant l’impression d’une certaine âpreté. Cette dureté tend à diminuer dans le vin grâce aux anthocyanes qui amènent plus de souplesse et de rondeur à l’astringence.
Pour étudier la synthèse de ces tanins dans le temps, Yves Cadot s’est penché sur le développement de la baie et des pépins au cours des différents stades phénologiques du raisin.
Les croissances du pépin et de la baie démarrent ensemble à la nouaison, et se poursuivent fortement jusqu’à la véraison ; ensuite, le pépin ne croît pratiquement plus alors que la baie poursuit sa croissance pendant la phase de maturation. Yves Cadot relate ici la très grande concordance entre le développement de la baie et celle du pépin, et son rôle primordial dans la maturation du raisin : "c’est le pépin qui induit le développement de la baie " explique t-il.
"Le nombre de pépins est un facteur important de la taille de la baie au moment des vendanges" relate le chercheur : plus il y a de pépins, plus la baie est grosse; ceci est également vrai sur la teneur en sucre : moins on a de pépins dans une baie, moins on a de tanins, et plus la baie a tendance à accumuler du sucre, mais est en retard de maturité. En terme quantitatif, plus la baie contient de pépins, plus la quantité de tanins au moment de la vendange est importante. "Le nombre de pépins contenus dans la baie a donc son importance dans l’étude de la maturité" conclut Yves Cadot.

Les pépins (au milieu de la coupe transversale de la baie) , amènent une part importante des tanins du raisin (en bleu sur la coupe) (© D.R.)
L’étude du développement du pépin, structure et composition, permet de vérifier que les tanins évoluent tout au long du développement de la baie : taille, quantité, couleur. Leur quantité et leur taille augmentent parallèlement à celles des pépins dans lesquels ils évoluent. Leur croissance s’arrête donc quasiment à la véraison, mais "on pense par contre que la structure continue de se modifier, permettant un mûrissement et une évolution gustative de ces tanins" explique le chercheur. Le pépin qui était vert brunit et durcit. Les tanins se concentrent, s’agglutinent contre les parois, formant ainsi des couches et donnant cet aspect « desséché » au pépin. Ils jouent un rôle de protection chimique du pépin vis-à-vis des attaques extérieures : bactéries, champignons,… Enfin, Yves Cadot émet l’hypothèse qu’en conséquence ils deviennent plus difficilement extractibles et de goût moins astringent.
Quand on s’intéresse à la quantité de polyphénols dans le vin, Yves Cadot affirme que celle-ci dépend de la quantité de pépins présents lors de la macération. Mais ensuite, seule une faible part des tanins sont extraits. Les facteurs influençant l’extractibilité et la solubilité de ces tanins sont principalement la température, le So2, puis l’éthanol. "L’influence de ces facteurs est plus forte sur les petits tanins que sur les gros, ces derniers sont donc moins extractibles" ajoute le chercheur.
Alors qu’en solution synthétique (eau, 12% alcool, t° à 28°C), les tanins sont rapidement extraits, leur extraction lors d’une vinification se fait beaucoup plus difficilement; Yves Cadot explique: "tout simplement parce que le pépin est contenu dans le raisin, qui lui-même est agglutiné dans le marc, mais aussi parce qu’au cours des remontages, une partie des raisins tombe au fond de la cuve, formant un dépôt et réduisant ainsi la chance d’extraire un maximum de tanins".
En terme quantitatif, lors de son étude sur le cépage Cabernet Franc, le chercheur a dénombré que 70% des tanins contenus dans le vin (après 5 jours de vinification avec pigeage) provenait des pépins, et seulement 30% des pellicules. Plus généralement, selon les cépages, on estime qu'entre 20% et 55% des polyphénols totaux de la baie sont dans les pépins.

"Les tanins des pépins concourent à l'essentiel des tanins dans le vin" explique Yves Cadot lors de sa conférence au Sival 2007 (© Viti-net)
Enfin, Yves Cadot note qu’une faible proportion (17%) des tanins contenus dans les pépins et la pellicule se retrouve dans le vin : 58% des tanins contenus dans les pépins, et 25% de ceux de la pellicule ne sont donc pas extraits…des chiffres éloquents pour ceux qui souhaitent pouvoir « jouer » sur l’astringence de leur vin.
Mais " Attention au ratio anthocyanes / tanins, qui serait déséquilibré si on épépinait ou à l’inverse si on souhaitait extraire plus de tanins des pépins, qui apportent une certaine dûreté ", prévient Yves Cadot… Car dans le vin, tout est toujours question de juste équilibre. Encore beaucoup de recherches en perspectives pour mieux comprendre les tanins, leur rôle et leur évolution dans le raisin.




