La taille de la vigne, c’est un même geste répété 20 000 à 25 000 fois sur un hectare, à raison de quatre à cinq coups de sécateur par pied. Répétitive, fastidieuse, coûteuse en temps et en personnel, la taille de la vigne peut aussi être dangereuse, avec en premier lieu les problèmes de tendinite ou plus généralement de troubles musculo-squelettiques (TMS). “Ces troubles proviennent de la sollicitation répétée des gaines, des tendons et des articulations de la main ou du bras, explique le Dr. Gilles Croyère, médecin du travail à la MSA d’Indre-et-Loire. Ils entraînent des inflammations, des douleurs et parfois des inaptitudes importantes. Les TMS apparaissent dans des situations de mouvements répétés, lors de la taille ou de l’ébourgeonnage par exemple en viticulture.”
Les TMS liés à l’utilisation du sécateur figurent parmi les principales maladies professionnelles déclarées en viticulture. “Autrefois on en parlait moins et on souffrait en silence, poursuit le Dr. Croyère. Les TMS sont aujourd’hui reconnus comme maladie professionnelle et on a constaté une hausse des déclarations. Ce qui ne veut pas dire forcément une hausse de ces troubles.” Une étude réalisée il y a quelques années par l’Institut national de médecine agricole (INMA) basé à Tours indique que 28 % des troubles musculo-squelettiques seraient générés par les opérations de taille. Les TMS affectent le bras qui travaille mais de façon variable : selon l’étude du l’INMA, 7 % des personnes ressentent des douleurs à l’épaule, 12 % au niveau du coude, 26 % dans la main ou le poignet. Certains vignerons ou ouvriers agricoles souffrent même de paresthésies nocturnes (troubles de la sensibilité se traduisant par des fourmillements, des élancements ou des engourdissements) dus au syndrome du canal carpien. Cette affection est provoquée par la compression du nerf médian, qui descend le long du bras jusqu'à la main, lorsqu'il traverse une sorte de passage étroit, le canal carpien, au niveau du poignet. En cas de pression continue ou prolongée, le muscle alimenté par le nerf perd de sa force motrice.
Ces troubles sont fréquents et deviennent souvent chroniques. Si, dans 82 % des cas selon l’INMA, les symptômes disparaissent dans le mois qui suit l’arrêt de la taille, les troubles reviennent l’année suivante. Il existe néanmoins des règles simples pour prévenir ces affections. On peut préparer ses muscles par de petits exercices de préhension de la main sur une balle de caoutchouc ou une éponge dans les 15 jours précédant la campagne de taille. Autre solution, commencer en douceur la taille en alternant avec d’autres travaux sur l’exploitation durant les premiers jours. Il est important également d’être en bonne forme physique : “une otite, un psoriasis ou tout syndrome inflammatoire peuvent être des facteurs de risque, indique le Dr. Croyère. Il convient aussi de changer souvent de position et de faire attention à ses mouvements et d’éviter les chocs répétés.”
Dans le cas d’une longue période de taille il est conseillé de respecter des temps de récupération ou d’utiliser un sécateur assisté, électrique ou pneumatique. Les sécateurs électriques sont aussi préconisés pour les personnes qui ont dû subir une opération du canal carpien.
Ces sécateurs assistés facilitent nettement le travail de taille et le rendent moins douloureux. Pour autant ils ne sont pas sans risque. Outre les pincements, les cas d’accidents par coupure ne sont pas rares. “Nous en avons constaté 6 à 7 par an sur deux ou trois années mais nous observons aujourd’hui une certaine stabilisation. Ce sont toujours des coupures graves, avec parfois amputation du bout du doigt jusqu’à la première articulation, explique Jean-Claude Salomon, conseiller prévention à la MSA du Var. Les accidents de taille que nous voyons concernent tous les extrémités de doigts. Pour s’en prémunir, on préconise le port d’un gant de protection sur la main qui reste libre : pas un gant en cotte de maille, mais un gant renforcé de tubes aluminium autour des doigts. Ce type de gant protège quasiment à 100 % contre les risques de coupures. Mais les vignerons se disent parfois gênés par un tel gant.”
Les accidents peuvent survenir lors de la taille mais aussi au moment de l’affûtage, du réglage, de l’entretien. La MSA insiste sur la nécessité de posséder un matériel en bon état et de sensibiliser les salariés aux risques présentés par l’emploi de ces outils. Une formation que le Code du travail rend même obligatoire.
Sécateurs assistés et cabines de taille : aide et confort
Sécateurs électriques ou pneumatiques ? Les deux ont leurs adeptes. Le sécateur pneumatique est apprécié pour sa puissance et par son absence de lourdes batteries à porter sur soi. Il impose cependant d’être relié au tracteur et au compresseur. Le sécateur électrique lui est plus lourd mais bénéficie ces derniers temps d’innovations de la part des constructeurs qui les ont fait gagner en puissance et en autonomie. Fonctionnant avec vis et écrou (Pellenc Lixion ou Felco 800) ou avec pignon et crémaillère (Grégoire Secatronic, Electrocoup), les sécateurs électriques sont commercialisés à des prix allant de 1 100 à 1 500 euros environ. Ils peuvent être adaptés aux gauchers et aux droitiers (Felco 800) être pourvus d’un mode ”impulsionnel” ou “asservi” (Electrocoup), avoir un encombrement réduit (Pellenc Lixion) ou présenter un système de mise en marche avec verrou et poussoir pour plus de sécurité (Grégoire Secatronic).
Contre les douleurs du dos, des genoux ou des hanches, des cabines de taille mobiles ou des scooters des vignes électriques existent sur le marché. Ils permettent de mieux lutter contre la fatigue et la baisse de productivité au cours de la journée. Côté prix, il faut compter 6 000 euros pour un scooter et 12 000 euros pour une “cabitaille”. Des sièges plus simples et non motorisés sont aussi proposés par des fabricants. “Ces dispositifs sont intéressants, note le Dr. Croyère, médecin du travail à la MSA37. Mais au-delà du coût, il est difficile pour beaucoup de changer d’habitude. Parfois les vignerons n’y viennent qu’après un accident du travail”.