L
e chitosane est un nouveau produit œnologique, autorisé depuis juillet 2009 par l'Oiv et depuis janvier 2011 par l'Union Européenne. Utilisé pour le moment uniquement après fermentations, ce dérivé de la chitine apparaît comme une solution efficace ? la seule ? - facile à mettre en œuvre, pour éradiquer les populations de Brettanomyces d'un vin contaminé. Pour l'utiliser de manière préventive, il faudra attendre les résultats des essais encore en cours. Seul défaut : son prix.

Le chitosane ne présente pas d'aspects négatifs sur la qualité des vins. (© Terre-net Média)
«
Les essais du chitosane que nous avons effectué à un dosage de 4 g/hl sur un vin contaminé à plus de 100 unités/mL d’un client touché, ont permis en 10 jours de faire disparaître quasiment toute la population de Brett », raconte Jacques-Antoine Toublanc, directeur du laboratoire œnologique Litov, dans la Maine-et-Loire, qui distribue ce nouveau produit depuis le début de l’année. «
C’est vraiment spectaculaire.
Il nous reste maintenant à vérifier l’évolution et qu’il n’y ait pas recontamination par la suite, une fois que le vin sera en bouteille », poursuit celui-ci. Ce composé est commercialisé en France par l’Institut œnologique de Champagne (Ioc) sous la marque « No Brett inside ». «
Quelle que soit la contamination initiale, le chitosane permet de détruire la quasi-totalité des populations de Brett sur vins finis, déclare Pierre-Yves Bournerias, œnologue-conseil à l’Ioc.
Nous sommes très confiants quant à l’efficacité de ce produit ». De nombreux autres essais précurseurs sur le chitosane dosé à 4 g/hl, très concluants eux aussi, ont également été menés depuis 2008 par l'Institut coopératif du vin en partenariat avec la société Kitozyme, tous deux à l'origine du développement de ce produit. Il a été démontré que le produit permettait de réduire les populations de Brettanomyces en dessous du seuil de détection (10 Ufc/ml) et même sur des vins fortement contaminés (>10 000 Ufc/ml). «
Mais ce produit ne permet pas de corriger les vins déjà déviés d’un point de vue organoleptique lié aux éthyls-phénols et éthyl-gaïacol, prévient l’œnologue.
Il permet en quelque sorte de stabiliser une situation existante en tuant les populations présentes ».
Son impact sur les bactéries n’est par contre pas encore totalement vérifié

La poudre blanche de chitosane, préalablement mise en suspension dans 5 fois son volume d'eau, est incorporée à la cuve à traiter par le haut. « Compte tenu du mode d'action du chitosane proche de celui d'une colle œnologique, il est important de réaliser un bon remontage d'homogénéisation, idéalement le volume entier de la cuve », préconise l’Ifv. Après 10 jours de sédimentation, on élimine les lies en pratiquant un soutirage classique, en prenant soin de séparer correctement le vin traité de ses lies. (© Tnm)
Insoluble dans le vin, ce composé agit de manière sélective uniquement sur les levures de contamination du genre
Brettanomyces, en détruisant leur barrière membranaire. Il n'a par contre aucun impact, en conditions de fermentation alcoolique, sur les populations de
Saccharomyces cerevisiae ni sur la cinétique de fermentation alcoolique. Son impact sur les bactéries n’est par contre pas encore totalement vérifié : «
L’Ioc et ses partenaires mèneront des expérimentations complémentaires cette année sur les bactéries lactiques. Nous devrions donc pouvoir valider ou non son utilisation plus précoce, pendant ou avant fermentations, d’ici quelques mois, indique Pierre-Yves Bournerias.
Pour l'instant, nous le recommandons seulement après les fermentations ». Les vignerons qui ont des problèmes récurrents sur certaines cuvées ou qui veulent sécuriser des cuvées « haut de gamme » en traitant de manière préventive devront donc patienter.
D’origine naturelle, non Ogm et non-allergène
Le chitosane peut donc s'utiliser dès la fin de la fermentation malolactique, en cours d'élevage et jusqu'à 15 jours avant la mise en bouteille. « Une fois la présence de Brett révélée, il faut identifier de manière précise l’état d’avancement de la fermentation malo-lactique, conseille l’œnologue. Il faut essayer de la faire terminer au plus vite, par un ensemencement par exemple, pour pouvoir traiter derrière ». Après dissolution dans de l’eau, le mélange doit être incorporé dans la cuve à traiter puis mélangé par remontages. Il est ensuite éliminé par sédimentation puis soutirage des lies, environ 10 jours plus tard. « A ce prix – il faut compter environ 3 €/hl – les vignerons sont en attente de savoir s’il est envisageable de conserver les lies contenant le chitosane et de les réutiliser sur d’autres cuves ou durant l’élevage en bâtonnant pour éviter l’apparition de Brettanomyces durant cette période », indique Charlotte Mandroux, du centre technique d’InterLoire. Sinon, il est 100 % biodégradable.
Ce nouveau produit œnologique, d’origine fongique, présente aussi l’avantage d’être d’origine naturelle, non Ogm et non-allergène. « Le Chitosane est un polymère naturel, de la famille des polysaccharides comme la cellulose ou l'amidon. C’est un dérivé de la chitine, qui est présente dans la carapace des crustacées, des insectes et qui contribue à leur rigidité, précise l’Ifv. Il est produit à partir de chitine extraite et purifiée à partir de mycélium d'Aspergillus niger ». Enfin, à la dégustation, il ne présente pas d’impacts négatifs sur la qualité du vin.
Cette nouvelle solution à disposition des vignerons devrait sans doute rencontrer un franc succès auprès d'eux et ce, d’autant plus que le « milieu » devrait cette année être propice aux contaminations dans de nombreuses régions : « Si les conditions de cette année – températures élevées et maturités poussées – persistent, cela pourrait être une année difficile du point de vue Brettanomyces », analyse Charlotte Mandroux.