our la macération préfermentaire à froid, pour la fermentation alcoolique (FA), pour la fermentation malolactique (FML) et pour l'élevage des vins, « l'amélioration de la qualité se fait, parfois, seulement en tournant le bouton [du thermostat] d'un degré » affirme Laurent Benoît (château Angélus). C'est en résumant ainsi le processus de vinification à « une maîtrise scientifique de phénomènes naturels » qu'il justifie l'investissement conséquent du château Angélus (800 000 euros) dans son installation de génie climatique lors des récents travaux de rénovation du château Angélus (Premier Grand Cru Classé A de Saint-Emilion). Il faut dire que la propriété impose un parcours thermique particulièrement strict à ses moûts, comme à ses vins. A son arrivée, la vendange est refroidie à 8°C, la FA voit le moût s'élever à 27-28°C (voire 30 à 35°C en cas de macération finale à chaud), puis le vin est maintenu à 22°C lors de la FML (en barriques), pour finalement réaliser son élevage à la température fixe de 10°C (dans les chais de première comme de deuxième année d'élevage). Cette température glaciale d'élevage permettrait de réduire efficacement les risques de déviations bactériennes et les doses de sulfites ajoutées, alors que les vins restent sur lies (en 22 mois d'élevage, seuls 3 soutirages sont réalisés).
Spécialiste de la thermique vinicole*, Christophe Pereira (AP2M) confirme la particularité de la thermorégulation, et de ses conséquences techniques. Pour répondre à cette demande le circuit de production d'eau froide a dû être revu, passant d'une température minimale de 7°C à moins de 2°C, « à la limite du gel, on ne pourrait pas aller plus bas (ou alors avec de l'eau glycolée, inappropriée à cause du risque de fuites) ». Un autre enjeu pour les chais d'élevage est l'inévitable part des anges, qualificatif poétique d'une perte par consume. Pour réduire cette évaporation de vin, il est nécessaire de maintenir une atmosphère humide (à 80 %) et de « diminuer les taux de brassage (en réduisant le débit des ventilateurs) » explique François Raynaud (société Géniclim). Devant les 3 groupes de production de froid et de chaud (Daikin, par détente directe) du château Angélus, il reconnaît qu'il s'agit « d'une installation confortable » (ayant globalement coûté 500 000 euros à elle seule) et ne cache pas que « les notes d'électricité ont dû sacrément augmenter ! » S'il est très énergivore, ce matériel de génie climatique reste de toute façon la seule solution pour répondre à la volonté d'Hubert de Boüard (co-propriétaire du château Angélus) « d'avoir n'importe quelle température dans n'importe quelle pièce à n'importe quel moment » .
* : Christophe Pereira estime ainsi que 70 % des chais de Saint-Emilion sont équipés d'outils de thermorégulation, « de nombreux domaines utilisant des échangeurs pour chauffer ou refroidir une cuve... ». Une proportion faible par rapport aux voisins de l'Entre-Deux-Mers, pour qui ce matériel est incontournable dans le cadre des vinifications en blanc ajoute-t-il.
[Photo : aperçu de l'installation de génie climatique Daikin-AP2M sur les toits du château Angélus, ce 22 octobre]