lors que le moment est venu de passer ses vignes au peigne fin pour contrôler la présence de symptômes de la flavescence dorée*, ce mal du vignoble est encore souvent perçu comme une maladie honteuse, que de nombreux professionnels ont du mal à accepter dans leurs parcelles. Au risque d'aggraver la situation et d'aller plein pot dans une impasse économique. « On recense de plus en plus de cartons qui pourraient être mieux gérés » regrette Julien Sendrous, technicien à la Chambre d'Agriculture de Corbières et responsable des 25 GDON de l'Aude. « Souvent on m'appelle trop tard. Là où deux ans avant nous n'aurions arraché que dix souches, il faut maintenant sacrifier la parcelle. La clé de la lutte, c'est d'alerter le plus vite possible. » Un conseil d'une simplicité enfantine qui se heurte, parfois, à des réticences et réflexes surannés.
C'est que nous rapportait récemment, sous couvert d'anonymat, un vigneron du Minervois. Ayant repéré des symptômes de flavescence dorée sur une parcelle, il les avait signalés à la Chambre d'Agriculture de l'Hérault (le propriétaire de la parcelle affectée ne réagissant pas). Une action qui lui vaut maintenant d'être traité de tous les noms : délateur, indic, mouchard... Des accusations qui ne l'empêchent pas de dormir : « ce n'est pas la personne touchée que l'on signale, c'est la maladie ». De toute façon il n'en démordra pas, « il faut appuyer sur le bouton d'alarme dès que l'on voit des pieds touchées. Tout le monde a peur de signaler un foyer : les gens ont du mal à l'assumer, se sentant sales, ayant l'impression d'avoir loupé un traitement... Mais si ce fléau se propage, ce sont des pans entiers du vignoble qu'il faudra arracher. »
A ces réticences s'ajoutent également la méconnaissance des mécanismes d'infection, de propagation et de traitement de la flavescence dorée. Certaines idées reçues ont ainsi la vie dure, malgré les communications et la formation des acteurs du vignoble. Julien Sendrous a ainsi « récemment dû faire arracher des parcelles touchées par la flavescence dorée où le vigneron restait persuadé qu'il s'agissait de carence potassique, malgré les preuves ! D'autres ne font pas les traitements insecticides aux bonnes dates, ou avec les bons produits... Ou ne les font pas sciemment pour rogner sur leurs budgets ou protéger les auxiliaires. »
Alors que ces phénomènes de résistance persistent, la pression de la flavescence dorée sur l'Aude augmente depuis cinq ans : « 30 hectares de vignes touchées à plus de 20 % seront arrachés dans le département en 2014 » estime Julien Sendrous, qui tient à préciser que l'enjeu de la flavescence dorée n'est pas limité à l'Aude, mais a une ampleur nationale. Il se veut également optimiste face aux bons résultats tirés des tournées de prospection, annonçant d'ailleurs que « l'Aude est le département qui présente la meilleure protection anti-flavescence, avec 230 communes couvertes sur 261 communes viticoles ».
* : maladie de quarantaine dont le phytoplasme est transmis par la cicadelle dorée (cliquer ici pour en savoir plus sur la prospection de cette jaunisse de la vigne).
[Photo : ENTAV/INRA]