'après données de la DRAAF Aquitaine, 16 % de la Surface Agricole Utile (SAU) de la région aurait actuellement un avenir incertain, soit une absence de repreneurs identifiés pour 12 800 exploitants de plus de 55 ans. 3 800 de ces agriculteurs prévoient même la disparition de leur exploitation (morcellement ou disparition de l'activité agricole). Face à ces enjeux, on comprend l'engouement qu'a connu la table ronde « sur le renouvellement des générations pour les exploitations agricoles » organisée par la SAFER Aquitaine Atlantique ce 5 septembre, lors du concours international de labour dans la campagne bordelaise (les Terres de Jim, organisées par les Jeunes Agriculteurs). Noircissant le tableau, Stéphane Ballan (service information statistique de la DRAAF) soulignait « qu'alors que la population des chefs d'exploitation vieillit, le nombre d'agriculteurs s'installant est en baisse (-33 % entre 2000 et 2012). La tendance nationale est encore plus marquée en Gironde, où il faut deux départs pour avoir une installation*. » Pour le secteur viticole, il constate une forte concentration d'exploitations sans repreneurs dans le Médoc, tandis que les domaines menacés de disparition se trouvent surtout dans l'Entre-deux-Mers.
« La crise viticole est passée par là » résumait Dominique Beauté (Conseil Général), précisant que « les exploitations ne disparaissent pas, il y a un phénomène de rapprochement des exploitations. Il faut savoir que des propriétés familiales dépassent aujourd'hui en taille des caves coopératives encore en place. » Une dynamique de concentration qui ne simplifie pas le problème du foncier, le prix des terres étant, unanimement, déclaré le premier obstacle à l'installation hors contexte familial. Une difficulté qui pèse également « sur le développement commercial et technique des exploitations, en consommant les fonds propres et réduisant l'accès aux prêts » ajoute Rémy Garusse (président de la caisse régionale du Crédit Agricole). Dans ce contexte, « les prêts bonifiés et DJA ne sont plus suffisants pour l'installation, ils n'ont pas augmenté depuis des années » tranchait Jérémy Decerle (éleveur de charolaise, membre du bureau national des Jeunes Agriculteurs)
Presque fataliste, Jean-Pierre Raynaud (vice-président du Conseil Régional d'Aquitaine) ajoutait que « l'on sait aujourd'hui que les fils d'agriculteurs ne suffiront à assurer le renouvellement des générations », sans parler du besoin plus général de main d'œuvre qualifiée et formée. Enfonçant le clou, Jérémy Decerle estimait que « le renouvellement des générations n'est pas efficient. On doit trouver de nouveaux outils, car on sait qu'un métier qui ne se renouvelle pas, c'est un métier qui meurt... » Mais selon lui, la partie n'est pas perdue, pour relever le défi il faut agréger les compétences en matière : « aujourd'hui Dieu sait qu'il existe des outils et que l'on peut encore en créer : il faut les combiner ». Alors que les enquêtes pour identifier les cédants potentiels se généralisent (ainsi que le suivi des installations avec le répertoire national dédié), l'autre enjeu est l'attractivité du métier viticole. Mais la crise de vocation n'est pas le seul apanage des repreneurs. « Il faut aussi rendre la sortie plus attractive pour les aînés. Je souhaite un dispositif accompagnant les cédants comme celui qui encadre les jeunes agriculteurs (plan de formation...) » affirmait Jérémy Decerle
Restant optimiste face à ce challenge d'avenir, le président de la cave coopérative de Crouzeilles, Roland Podenas estime que « c'est dans les situations les plus difficiles que l'on prend les décisions les plus intéressantes. C'est rarement dans les situations euphoriques que l'on prend de sages décisions ! »
* : le quotient du nombre d'installations sur le nombre de cédants étant de 49 % en Gironde selon les données de la Mutualité Sociale Agricole.



