ille de Philippe, représentante de la sixième génération de la branche anglaise des Rothschild et héritière du Premier Grand Cru Classé Château Mouton-Rothschild, Philippine de Rothschild s'est éteinte à 80 ans, dans la nuit du 22 au 23 août. Les hommages ont fleuri. Une femme au parcours d'héroïne de roman (roman adapté au théâtre) s'est éteinte.
A onze ans, le 22 juin 1944, elle échappe à la mort quand des soldats allemands arrêtent sa mère à Paris. Le baron Philippe, est à Londres avec le général De Gaulle depuis 1942. La ressemblance de l'adorable fillette avec sa propre fille émeut l'instinct paternel d'un des deux officiers. La mère de Philippine, Elisabeth Pelletier de Chambure, est envoyée à Ravensbrück dans le dernier convoi vers les camps de la mort. Elle n'en reviendra pas.
La baronne était portée par le miracle qui lui avait permis d'être épargnée. « « Si le nom de Rothschild avait été essentiel dans mes choix de vie, je n'aurais jamais fait ce que j'ai fait », avait-elle déclarée. Car elle était bien décidée à vivre une vie qui lui appartiendrait. Son autre moteur : l'amour de son père, qui avait approuvé son choix d'embrasser la carrière d'actrice, à une condition, toute rothschildienne cependant : « Si tu le fais, fais le mieux que les autres ». Car quand on est une Rothschild, que l'on soit banquier d'affaire ou acteur, on est soliste ou on change de branche. On s'interdit la médiocrité et les positions de second couteau (d'ailleurs Mouton quittera les seconds (grands crus classés) pour les premiers en 1973).
De 1958 à 1964, Philippine de Rotschild est sociétaire à la Comédie Française. En 1973, alors que Mouton passe Premier Cru Classé, Philippine entre dans la compagnie Renaud-Barrault et y reste jusqu'en 1987. De sa vie d'actrice, elle retient une plaisanterie : « j'ai excellé dans les rôles de soubrettes. Un comble pour une Rothschild ! ». C'est compter sans des rôles infiniment plus profonds, et notamment celui de Mme Chasen, la si dure mère d'Harold dans l'adaptation française de la pièce Harold et Maude, de Colin Higgins, qu'elle interprète durant six ans aux côtés de Madeleine Renaud dans une mise en scène de Jean-Louis Barrault.
En 1988, elle reprend les rênes de Mouton après le décès de son père. Succession difficile, comme le souligne pour l'AFP Olivier Bernard, président de l'Union des Grands Crus de Bordeaux, qui salue « l'implication personnelle [d']une grande dame du vin, remarquable par son énergie, sa volonté, son charisme ». Pour Philippine de Rothschild, le fait d'avoir été acceptée à Mouton et plus largement à Bordeaux, était une fierté. Elle a poursuivi l'oeuvre de son père, confirmant le statut de Premier de Mouton, son lien avec l'art contemporain sur les étiquettes (elle a sélectionné personnellement les artistes qui ont décoré chaque millésime) et les participations à des joint-ventures à l'étranger (Opus One en Californie, Almaviva au Chili).
Une vie riche d'événements marquants, de moments de joie et de peine s'achève. Les trois enfants de Philippine de Rothschild prennent sa suite à la tête de Mouton mais aussi d'Armailhac et de Clerc Milon.