Comme l'export, l'oenotourisme est un nouveau métier à apprendre pour le vigneron » titrait en mars un article de Vitisphere, annonçant l'enjeu des dernières rencontres nationales des Vignerons Indépendants de France, qui étaient intégralement dédiées à l'oenotourisme. Question qui interpelle de plus en plus de vignerons constate avec satisfaction Philippe Blanck (vice-président des VIF en charge de l’oenotourisme), « après les années de sensibilisation et le constat des réussites de certains pionniers, l’oenotourisme bénéficie d’une vraie crédibilité et il apparaît comme une clé de notre avenir ». Pour éviter des déceptions, il prend cependant des pincettes en annonçant que « si les fruits ne sont pas encore mûrs, on est tout de même un peu plus loin que la floraison »
Désormais passées, ces journées ont bien traité de la nécessité de professionnaliser l'offre du tourisme vigneron, mais elles se sont surtout attardées sur la viabilité et la rentabilité de cette activité développement les ventes à la propriété. Ayant fondé l'oenocentre Ampélopsis sur son domaine, le bourguignon Ghyslain Brigand (Massingy) a ainsi construit un musée de la vigne et du vin qui devrait accueuillir 3 000 visiteurs en 2014, avec un ticket moyen de 28 euros, comprenant entrées et achats : en moyenne 7 bouteilles. Chargé de la promotion touristique de la Loire en Layon, Aurélien Debomy rapporte également que les clients de la Layon Box (offre oenotouristique tout en un lancé en 2010) dépensent en moyenne 75 euros en achats de vins. Contacté un jour par un tour-operator norvégien, devant trouver en urgence un domaine dans le Gard pour ses clients, Benoît Combe (domaine du Parc Saint-Charles) s'est lancé presque par hasard dans l'oenotourisme. Depuis, « 3 fois par an, le tour operator revient avec des bus de 50 touristes qui paient 8 euros par personne pour deux heures d'animation (rafraîchissements à la sortie du bus, visite explicative de la cave, dégustation de 3 vins avec une collation) » explique le vigneron en Côtes du Rhône, qui vend au passage entre 75 et 100 bouteilles par groupe et a décidé d'augmenter ses capacités d'accueil avec la construction d'un restaurant.
Faisant de l'oenotourisme l'opportunité d'une nouvelle valorisation du vignoble français, Sophie Lignon-Darmaillac (maître de conférences à la Sorbonne) se sert des succès californiens pour prendre du recul sur cette activité classique de vente à la propriété et estimer que « ce n’est pas le vin la motivation première, mais un cadre touristique qui peut satisfaire le plus grand nombre et qui amène aux wineries. » Animant les débats, le journaliste David Cobbold ajoute même « qu'il faut se lancer dans l’activité oenotouristique en comptant qu’elle puisse être déjà rentable en soi. Le fait qu’elle puisse rejaillir sur la vente directe de vin par la suite doit être un bonus supplémentaire. » « Le développement de l’activité oenotouristique a été avant tout un travail sur l’image, plus qu’un souci de vendre le vin » rapportait le négociant Laurent Bonfils, qui s'est associé à l'hôtelier Karl O’Hanlon pour créer une offre oenotouristique au château des Carrasses (Quarante, Hérault). Il ajoute que « le travail sur le vin a déjà eu lieu et il se vend bien, mais le travail sur l’image permet de le vendre plus cher. La perception du produit a changé. Il vise une clientèle prestigieuse et oenophile à qui il fait partager l’expérience de la vinification »
[Photo : Clos Pons Winery]