On dit que les Bordelais sont solitaires et égocentriques. Avec notre démarche collective on montre qu'il n'en est rien ! » s'amuse le vigneron Philippe Bardet. Président de l'association Système de Management Environnemental des vins de Bordeaux (SME), il recevait des mains de l'AFNOR le renouvellement de la certification ISO 14 001 de la démarche, démontrant ce 8 juillet que les Bordelais sont bien entêtés. Alors que la mode est à l'agroécologie ministérielle*, le vignoble girondin a en effet maintenu son cap de développement durable, tracé depuis 2011 par l'association SME. A l'époque, 28 entreprises étaient certifiées (pour 2 000 hectares de vignes), aujourd'hui, on en dénombre 122 (avec équivalence HVE niveau 2), pour plus de 300 engagées (soit plus de 12 000 hectares). Se réjouissant que Bordeaux ait été le premier vignoble français à s'atteler collectivement à ce travail, le président du Conseil Interprofessionnel des Vins de Bordeaux, Bernard Farges, n'a pas manqué de souligner l'enjeu de cette démarche pour l'image des vins de Gironde, et surtout « l'effet de levier et d'émulation qui place cette démarche en dehors de toute idéologie et pour tous les profils d'entreprises (vignerons, caves coopératives, négoce... »
Les professionnels ayant intégré le SME apprécient en effet l'approche exhaustive de cette démarche, « de la vigne au verre » résume Alexis Raoux, le responsable développement durable du groupe Castel Frères. « La norme ISO permet une réflexion globale, plus appropriée que des labels spécialisés et cahiers des charges restrictifs (par exemple la bio ne s'occupe que des intrants) ». Si l'association SME est particulièrement mobilisée pour faire connaître sa démarche dans le vignoble et les chais, elle n'est pas encore arrivée à l'étape de communication, et encore moins du marketing. Par exemple, Castel Frères n'a pas (encore) lancé de gamme éco-conçue. Alexis Raoux explique que ce retard s'inscrit dans une stratégie à moyen terme : « les équipes de marketing, d'achat et de commercialisation ont été sensibilisées, mais on n'est pas encore assez suffisamment carrés pour lancer une communication à outrance. Dans deux ans, on pourra utiliser la démarche pour valoriser nos gammes. »
En attendant de juger des effets commerciaux de cette démarche, c'est son efficacité qui séduit : la mutualisation des achats d'intrants, les échanges entre entreprises, une meilleure gestions de l'énergie, mais aussi de l'eau, des rejets d'effluents... Sans oublier le management, cœur de la démarche qui remet la réflexion au centre des équipes, de la sécurisation des postes de travail à l'esprit d'entreprendre. Concrètement, l'association offre aux entreprises viti-vinicoles l'expérience de ses animateurs, un outil de diagnostic environnemental (gestion des zones enherbées, protection des cours d'eau...) et surtout une plate-forme de veille réglementaire. « La fin du calvaire pour les entreprises » souligne Philippe Bardet. « Si l'on prend les normes comme une gêne, un boulet, c'est la fin des haricots ! Elles doivent être vues comme des éléments structurants. C'est comme un plan comptable : c'est le même pour tous, mais on ne met pas tous les mêmes choses dedans. »
* : ou « agro-démagogie gouvernementale » nous confiait récemment un représentant de la filière vin.
[Photo : CIVB]