C'est comme une sélection de la population. Quand les Allemands ont décidé d'éliminer les Gitans, les Juifs, les homosexuels et les communistes... C'était une sélection ''clonale'' » avance hasardeusement Jonathan Nossiter, entre deux rangs d'une sélection massale de dolcetto et au milieu de son dernier documentaire, Résistance Naturelle. Où son propos ne manque pas d'être desservi par d'autres parallèles, aussi hâtifs que douteux. Des commentaires sur les affinités entre l'industrie chimique et le pouvoir politique pour contrôler les masses (thèse complotiste répétée à l'envi) sont ainsi encadrés par un discours de Benito Mussolini et un extrait du film Rome ville ouverte de Roberto Rossellini (scène de l'arrestation du résistant Francesco par la Wehrmacht)...
Onze ans après son fameux pamphlet Mondovino, l'enfant terrible du documentaire viticole revient à la charge pour défendre son idéal de production vinique. Reprenant les mêmes ficelles formelles (une mise au point aléatoire pour un cadrage cahotant entre nuées de chiens et d'enfants), Jonathan Nossiter réduit ici son champ de dénonciation, pour ne s'attacher qu'à la révolution biodynamique/naturelle qui traverse aujourd'hui le vignoble européen. Avec ce focus bien plus modeste que sa précédente enquête*, il suit quatre domaines italiens qui se définissent, bon gré mal gré, par leur approche révolutionnaire du vin : Giovanna Tiezzi et Stefano Borsa (Toscane), Corrado Dottori et Valerio Bochi (les Marches), Elena Pantaleoni (Emilie) et Stefano Bellotti (Piémont). Le tout complété par les interventions du cinéphile Gian Lucca Farinelli (directeur de la Cinémathèque de Bologne), qui permet au réalisateur de broder sur la défense d'un héritage et sa transmission .
Ce sont les témoignages de vignerons qui donnent tout son intérêt à ce documentaire, esquissant une philosophie viticole alternative tout en nuances et en rien monolithique. « Je veux être positive, Jonathan » tient ainsi à préciser Elena Pantaleoni, « ne pas être contre mais être pour : les autres font ce qu'ils veulent ». Au contraire de Stefano Bellotti pour qui « le politiquement correct qui consiste à dire que ''je n'ai rien contre les conventionnels'' me casse les couilles ! Ils font des vignobles toxiques, il faut le dire. » Plus sophistiquée, la question des appellations (Denominazione di Origine Controllata e Garantita en Italie) traverse avec justesse le documentaire. La perception de ces vignerons d'un système créé pour des vins normalisés, et possédé par des groupes industriels, faisant écho à l'affaire de « l'Anjou Olivier Cousin ».
Naturellement résistant, ce film ne pouvait sortir que ce 18 juin dans l'Hexagone. D'après CBO, Résistance Naturelle s'est positionné en septième position du box-office des sorties en salles françaises du mercredi (devant l'Epilogue, derrière Comme le vent).
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* : Mondovino avait nécessité 4 ans de reportage dans 12 pays (pour un montage final de 2h30), là où le tournage de Résistance Naturelle aura nécessité un été en Italie (pour 1h30 de film).
[Photo : Jonathan Nossiter sur le tournage de Resistenza Naturale en 2013]