On a énormément oublié que c'est le sol qui conditionne le choix du cépage, avec l'adaptation à l'homme et au climat » clament d'une seul voix les microbiologistes Claude et Lydia Bourguignon (fondateurs du Laboratoire d'Analyses Microbiologiques Sols). Le couple d'experts partageaient ses expériences pédologiques ce 17 juin, se trouvant sur la troisième terrasse de l'AOC Cahors : des galets roulés acides reposant sur une base géologique du Jurassique. « Toute cette zone a été faite par le Lot, avec des galets charriés depuis le Massif Central par un fleuve glaciaire » détaille Lydia Bourguignon. « On se trouve sur le même étage géologique que Chablis (le bouclier date du Kimméridgien et de l'Oxfordien) » complète Claude Bourguignon, achevant de dégager au couteau les racines d'un cep du château du Cèdre (malbec sur porte-greffe Riparia Gloire de Montpellier). En tâtant les racines, l'expert note une structure de sol poreuse et aérée (« grumeleuse comme du couscous ») et ne peut que s'exclamer que « le malbec est le cépage adapté aux terrasses et coteaux de Cahors ». Le fruit d'une sélection empirique, alors « qu'il y avait dans la région le tannat, le jurançon noir... mais de Vitis vinifera, c'est le malbec qui a été retenu » s'enthousiasme Lydia Bourguignon.
Cette tradition basée sur les résultats d'essais et d'échec fascine le couple, qui aborde la question du travail du sol sous cet angle. Revenant sur les pratiques « démentes des anciens », Lydia Bourguignon souligne qu'elles avaient pour but de « lutter contre les mauvaises herbes, mais aussi, et surtout, de gérer les racines superficielles de la vigne ». Souvent abandonnées par facilité, les pratiques de travail intensif ne doivent plus être délaissées pour la microbiologiste : « il faut comprendre comment les racines de vignes descendent dans le profil géologique, l'importance étant d'explorer en profondeur, le sol y a quasiment toujours les mêmes conditions. Même si la vigne a chaud, la racine reste à un e même température, au frais, et évite un stress hydrique. S'il y a un orage juste avant les vendanges, les racines superficielles reçoivent beaucoup d'eau de surface, les raisins gonflent et l'épaisseur de leur pellicule diminuent.Nous sommes combattus sur ces idées » reconnaît Lydia Bourguignon.
La première visite du couple dans le vignoble cadurcien remonte à 1992, ils se souviennent encore de leur premier travail d'expertise, qui avait conclu à l'époque sur la préconisation de planter des cépages blancs (ce qui a ouvert la voie à des réflexions et expérimentations croissantes en ce sens). D'expérience, « on peut faire du vin rouge sur un terroir à blanc, mais on ne peut pas faire du blanc sur un terroir à rouge » conclut Claude Bourguignon.
[Photo : Lydia et Claude Bourguignon ce 17 juin, dans une fosse creusée au château du Cèdre]