llant à contre-courant de la demande des marché, le changement climatique et les nouvelles pratiques viticoles (recherche d'une maturité phénolique plus importante) ont fait glisser la production mondiale des vins vers de plus hauts degrés d'alcool. « Dans de nombreuses régions de production, le titre alcool des vins a environ augmenté de 2 % depuis vingt ans. A l'heure actuelle, c'est l'un des problèmes majeur de la filière » estime Sylvie Dequin, microbiologiste à l'Unité Mixte de Recherches Sciences Pour l'Œnologie (Institut National de Recherche Agronomique, Montpellier). S'intéressant depuis le milieu des années 1990 à l'obtention de levures à faible rendement de conversion des sucres en alcool, la chercheuse a dirigé la thèse de Valentin Tilloy, qui a abouti, au terme de 200 générations de levures, sur « une première : l'obtention d'une déviation métabolique forte, réduisant le rendement de conversion des sucres en éthanol et conduisant à la surproduction de glycérol » s'enthousiasme Sylvie Dequin. D'après ses premiers essais, la souche de levure retenue (H2) produirait en effet 0,42 gramme d'éthanol par gramme de glucose consommé, alors qu'elle est le variant d’une levure commerciale* au rendement de 0,47 g d'éthanol par gramme de sucre consommé. Dans le cas d'un moût de syrah, le degré alcoolique a ainsi pu être réduit de 1,3 unités.
Toujours en cours, la validation sur d'autres moûts de ces résultats prometteurs permettra également de confirmer si cette levure permet de réduire la teneur en alcool du vin sans en compromettre les caractéristiques sensorielles. D'un point de vue analytique, il n'y aurait en effet pas d'accumulation d'éléments organoleptiques oxydés indésirables : acétate, acétaldéhyde, acétoïne... « Une bonne surprise » pour Sylvie Dequin, qui ajoute qu'avec les niveaux de glycérol obtenus, il n'y a pas de sensations visqueuses à déplorer en bouche. Désormais brevetée, cette souche est toujours étudiée par l'INRA, qui se penche sur les mutations qui ont pu conduire à une redirection du métabolisme carboné aussi importante. La sélection de cette souche s'est appuyée sur une approche d'évolution adaptative (stress hyperosmotique sur milieu concentré en chlorure de potassium) et de croisements plus classiques.
* : la souche Lalvin EC 1118, commercialisée par la société Lallemand (qui a collaboré à ces travaux de recherche) et utilisée pour les prises de mousse en Champagne.
[Photo : INRA]