ar une décision du 28 février dernier, le Tribunal correctionnel de Narbonne, saisi par l’organisme de défense et de gestion (ODG) de Châteauneuf-du-Pape et la Fédération des producteurs de Châteauneuf-du-Pape, a sanctionné les Vignerons de la Méditerrannée, filiale du groupe coopératif Val d'Orbieu, pour sa cuvée Croix des Papes. C'est un succès pour le monopole de Châteauneuf du Pape sur la référence pontificale, défendu bec et ongles avec succès, mais aussi quelques déconvenues, en particulier contre le Vin de Table (puis de France) Vieux Papes (groupe Castel) en 1961 et le Côtes du Rhône Chemin Des Papes (groupe Grands Chais de France) en 2005, que la justice a autorisés à conserver leur nom.
En 2009, les Vignerons de la Méditerranée, filiale du groupe Val d’Orbieu, avait créé, à la demande d'un importateur belge, une cuvée de Coteaux du Languedoc nommée « La Croix des Papes ». Entre 2009 et 2011, 93 000 bouteilles de cette cuvée avaient été écoulées pour 150 000 € (soit 1,60 € la bouteille). Saisi par l’ODG de Châteauneuf-du-Pape et la Fédération des producteurs de Châteauneuf-du-Pape, qui se sont portés partie civile, le Tribunal correctionnel de Narbonne a condamné le 28 février dernier les Vignerons de la Méditerrannée à 10 000 euros d’amende dont 5 000 avec sursis, amende à laquelle s'ajoutent 40 000 euros de dommages et intérêts à verser aux parties civiles. L'ODG et le syndicat des producteurs de Châteauneuf-du-Pape sont particulièrement actifs dans la protection de leur AOC contre les détournements de notoriété. Ils avaient demandé un million et demi d'euros à titre de dommages et intérêt. On est loin des procès sanctionnés par une peine symbolique. A l'arrivée, la peine prononcée est également très loin du montant demandé et les 45 000 € dont Val d'Orbieu doit s'acquitter en tout n'égalent pas le chiffre d'affaires réalisé avec la cuvée Croix des Papes (150 000 €). Le groupe Val d'Orbieu avait jusqu'au jeudi 13 mars pour former un appel mais n'a fait parvenir aucune demande en ce sens au tribunal.
Michel Blanc, directeur du syndicat des producteurs de Châteauneuf, ne cache pas sa satisfaction sur la décision du tribunal de Narbonne. « C'est une bonne décision même si le tribunal n'a pas donné satisfaction à la totalité de notre demande. On peut effectivement dire que la peine n'est pas symbolique, que la Cour au même titre que celle de Nîmes ou de Cassation auparavant [dans l'affaire qui a opposé les vignerons de Châteauneuf à ceux du Comtat Venaissin pour leur interdire de s'intituler Vignerons de l'Enclave des Papes, NDLR] a souhaité sanctionner des faits délictueux, faisant en cela application de la loi. Cela nous conforte bien évidemment dans le combat que nous menons au niveau de Châteauneuf-du-Pape, mais cette décision va bien au-delà puisqu'elle consolide le droit qu'ont les appellations d'origine à se défendre contre les usurpations, détournements de notoriété et autres atteintes à l'image qu'elles véhiculent. C'est aussi une décision qui va dans le sens d'une meilleure protection des consommateurs contre des comportements volontairement mis en place pour les tromper. »
« Nous pensons sincèrement que les différents succès remportés ces dernières années dans les actions menées pour défendre l'AOC Châteauneuf du Pape commencent à porter leurs fruits », poursuit Michel Blanc. « Nous ne pouvons que nous satisfaire de la constance des jurisprudences et du travail de fond effectué en partenariat avec la DGCCRF et ses antennes départementales (DIRECCTE). Petit à petit l'INPI commence aussi à être plus regardant sur les demandes d'enregistrements qui lui parviennent, et au final l'ensemble de la filière commence à véritablement comprendre les enjeux de notre combat et donc à être moins enclins à jouer avec le feu, sachant que désormais nos demandes en dommages et intérêts dépasseront systématiquement l'euro symbolique. Le combat demeure néanmoins permanent, et nous nous appuyons sur le réseau international de nos conseils pour ne pas relâcher la pression et faire que nos producteurs puissent évoluer dans un monde où leurs droits ne soient pas bafoués. »
[Illustration : détail de la bouteille AOC Châteauneuf-du-Pape]