rofitant du salon Vinisud pour déguster des vins bio et biodynamique du pourtour méditerranéen, Evelyne Malnic a pu vérifier que les vignerons inscrits dans ces démarches font tous de leurs vins des produits « plus purs, plus élégants, plus équilibrés, plus harmonieux, plus minéraux... Même plus lumineux, voire éclatants » Animant une conférence sur le goût des vins alternatifs, « les autres », elle jouait les naïves en demandant à ses intervenants en quoi ces descriptions tenaient de l'info ou de l'intox. Prenant avec plaisir le rôle du vilain petit canard, Jean Natoli mettait de côté son activité de vigneron bio (en IGP Vaucluse) pour visser sa casquette d'œnologue conseil (cabinet Natoli & Coe), qui ne se penche que sur les critères techniques et objectifs de qualité. Pour lui, « en plus d'être bio, biodynamique ou naturel, un vin doit être bon ». Ne voyant pas dans ces démarches alternatives une excuse pour masquer les défauts par des qualificatifs trompeurs. Il déclarait ainsi avoir « beaucoup de mal à accepter qu'un vin profondément oxydé soit qualifié de frais et tendu, qu'un caractère brett soit jugé comme une expression du terroir, qu'on présente des vins à défaut comme des vins d'auteur... »
Et il faudrait encore ajouter que ces « autres » vins peuvent être qualifiés de « vivants ». Lors de la rédaction de son guide des vins en biodynamie, Evelyne Malnic a ainsi pu expérimenter les bouteilles « qui se boivent mieux d'un jour à l'autre ». Faisant part de son expérience sur le sujet, Cédric Lecareux (directeur d'exploitation des domaines Gérard Bertrand) « constate que pendant l'année suivant l'embouteillage, les vins sont très variables à la dégustation, sur cette période les vins se referment facilement ». Avec son bagage technique d'ingénieur agronome-œnologue, Cédric Lecareux a également fait part de ses observations sur de deux domaines voisins du groupe de Gérard Bertrand, le domaine de Cigalus (en biodynamie depuis 7 ans) et le domaine Villemajou (en viticulture conventionnelle, Terra Vitis) qui peuvent être comparés grâce à leurs rendements équivalents. Au vignoble, les parcelles en biodynamie seraient moins sensibles aux maladies. Cédric Lecareux se souvient d'attaques de mildiou au début de la précédente campagne : « les tâches étaient imposantes sur les vignes en conventionnel, alors que des signes de défense étaient visibles en biodynamie, avec des nécroses limitant les tâches ». Parmi les manifestations d'auto-défense, l'accroissement des charges phénoliques (dans la plante, mais également dans les baies) va être déterminé par des essais comparant les conduites biologiques et biodynamiques (étude conduite avec l'IFV et l'INRA depuis 2013).
Essayant de déplacer le débat du « goût des autres », le critique Pierre Guigui (guide Gault & Millau et fondateur du Concours Amphore) affirme « qu'au départ aucun vin n'est bon, cette notion est culturelle, pas physiologique. La notion de bon dépasse le goût et l'entendement classique, il faut aller au-delà pour savoir si le vin est bon pour l'environnement, pour moi, mes enfants... »
Il regrettait surtout que les débats sur la qualité des vins ne se tiennent pas aussi facilement sur les vins conventionnels, alors que « certains continuent de se faire des gorges chaudes sur les défauts des vins bio et natures à partir de mauvaises expériences non représentatives ». Au sujet de ces mauvaises expériences, le caviste Jean Guizard (Grands Vins de France, Montpellier) regrettait que les producteurs ne fassent pas plus preuve de pédagogie auprès des consommateurs. Il faut faire « attention, certains vins doivent être consommés d'une certaine manière. On est habitué à acheter des produits finis, mais il faut prendre la précaution de secouer pour les vins non dégazés, ou de se protéger des risques d'oxydation si les teneurs en sulfites sont faibles. »
[Photo : conférence « le goût des autres » ce 24 février, avec de gauche à droite Jean Natoli, Cédric Lecareux, Pierre Guigui, Jean Guizard et Evelyne Malnic]