iglée VCI, la mesure de mise en réserve de vins d'appellations au-delà des rendements fixés pourrait bien être l'acronyme de Vignerons Carrément Impatients. Alors que le VCI sur vin blanc sec est effectif depuis la vendange 2013 (après 7 millésimes d'expérimentation à Chablis), les demandes se font en effet de plus en plus pressantes pour les vins rouges, alors que l'expérimentation à Bordeaux* arrive à sa dernière année et que de nombreux vignobles (Bergerac notamment, mais aussi la vallée du Rhône...) ne veulent pas laisser passer l'opportunité de reformer leurs stocks si le millésime 2014 est généreux. Comme à Chablis pour les blancs secs, le VCI a démontré son utilité à Bordeaux pour les vins rouges, permettant d'atténuer (sans le combler) le manque de volumes lié à la petite récolte 2013. Responsable du service économique du Conseil Interprofessionnel des Vins de Bordeaux (CIVB), Jean-Philippe Code rapporte que « sur les 122 800 hectolitres de VCI constitués globalement, 100 400 hl relèvent de Bordeaux et Bordeaux Supérieur, 10 700 hl des Côtes [NDLR : de Blaye, Bourg, Cadillac, Castillon et Franc], 5 200 hl du groupe Médoc & Graves et 6 500 du Libournais ».
En tant que viticulteur, Bernard Farges peut en témoigner à titre personnel, s'étant lui même constitué un VCI « en 2011 et 2012, les volumes ont été réinjectés en 2013 et sont très très utiles sur une récolte déficitaire ! ». Avec la casquette de président du CIVB, il juge que le système « n'a que des avantages. En 2013, plus de 50 millions d'euros seront dégagés grâce au VCI bordelais. Un chiffre d'affaires qui ne serait pas rentré sinon. Ce n'est pas rien pour la filière : ça représente de l'activité pour les domaines et tous nos fournisseurs. Sans oublier la TVA que cela génère ! » Complétant le bilan du VCI, il ajoute que ce système « ne coûte rien à personne, il assure une bonne qualité (on ne peut dépasser de plus de 5 hl/ha le rendement annuel fixé par l'Organisme de Défense et de Gestion), il peut sauver économiquement une exploitation et c'est un outil complémentaire à l'assurance récolte (permettant de compenser la franchise élevée) ».
Cette réussite expérimentale se traduit par les retours et le soutien des vignerons girondins, mais aussi par l'impatience du reste du vignoble hexagonal. « Et je les comprends, nous avions la même il y a cinq ans, quand nous voulions faire accepter notre projet de VCI sur rouges » s'exclame Bernard Farges. « Même si cela ne me gênerait pas, il n'est pas envisageable d'annuler le décret d'expérimentation, à un an de son terme. » Promulgué en novembre 2010, le décret n°2010-1440 met un terme à l'expérimentation bordelaise au 31 juillet 2015. Le temps du bilan et des négociations via l'Institut National de l'Origine et de la Qualité (INAO), la filière française ne peut espérer l'ouverture de VCI avant le millésime 2015. En tant que président de la Confédération Nationale des producteurs de vins et eaux de vie de vin à Appellations d'Origine Contrôlées (CNAOC), Bernard Farges ajoute que la mise en place de VCI « nécessite un contrôle très rigoureux de la part des ODG, qui doivent être capables de gérer ce système administratif et de l'explique aux vignerons ».
* : Jean-Philippe Code précise que « les appellations de rouges de Bordeaux sont toutes concernées par le VCI, sauf Moulis, Saint-Estèphe, Margaux, Pauillac, Saint Julien, Pessac-Léognan, Saintt Emilion Grand Cru, Pomerol, Fronsac et Canon-Fronsac ».
[Photo : Poterie bachique visible au château Haut-Brion (Pessac-Léognan) ; Alexandre Abellan (Vitisphere)]