n 2013, le château Lafitte (50 hectares en première côtes de Bordeaux) célébrait ses 250 années d'existence. Fondé en 1763 par le négociant Raymond Lafitte, à Camblanes et Meynac, Lafitte n'était pas complètement à la fête, soufflant également les bougies d'une décennie de procédures pour défendre sa marque. En 2003, le château Lafite-Rothschild (premier grand cru classé en 1855 de Pauillac) entamait en effet une action judiciaire demandant la déchéance des droits de marque du château Lafitte, pour prévenir toute confusion commerciale entre Lafitte* et Lafite-Rothschild. Propriétaire exploitant du château Lafitte, Philippe Mengin (photo) est ainsi allé aux tribunaux, puis en cours d'appel pour aboutir à la cour de cassation de Paris en 2010. Il résume ces sept années par deux décisions de justice : « la marque château Lafitte est validée et le château Lafite-Rothschild a perdu le droit de sa marque Lafite ». Les juges ont en effet estimé que Lafite-Rothschild n'exploitait pas la marque abrégée Lafite, ne vendant pas de bouteilles sous cette marque et ne pouvant donc la déposer (malgré son utilisation courante par la presse et les consommateurs, ainsi que le site officiel de la baronnie).
Pour Philippe Mengin cette décision devait mettre un terme aux procédures, démontrant que ses vins « ne jouent sur aucune ambiguïté avec Lafite-Rothschild : ils n'ont pas la même typicité, ni la même présentation, ni le même prix de vente ! » Ayant continué à développer ses vins à l'export (95 % de ses volumes en vente directe), il a logiquement suivi les recommandations des flashs du Conseil Interprofessionnel des Vins de Bordeaux et a décidé de déposer sa marque auprès des autorités chinoises. Après quasiment trois ans de démarches administratives, la légitimité de sa marque a été acceptée par l'office des marques chinois, ouvrant une période de trois mois durant laquelle un tiers peut faire opposition. Ce qu'a fait le château Lafite-Rothschild, remettant le couvert judiciaire en Chine en demandant que la marque château Lafitte ne puisse être déposée. Jusqu'alors discret sur cette affaire, Philippe Mengin est exaspéré par cette « dernière goutte » qui relance le combat entre le pot de fer et le pot de terre. « Château Lafite Rothschild ne vend pourtant pas pas plus de vin en Chine sous la marque Lafite qu'en France » ajoute-t-il en tant que « seul légitime propriétaire de la marque Lafitte, tout court ! » Portant aujourd'hui l'affaire sur la place publique, il réclame « le droit de travailler en paix », ajoutant que sa « défense lui a déjà coûté cher » et qu'il est désormais « reparti pour je ne sais combien de temps : un an, deux ans, trois ans... »
* : quelque soit son orthographe, le terme lafitte vient du patois girondin et signifie « petite colline ».
[Photo de Philippe Mengin : château Lafitte]