ésormais indissociable de la ville de Moissac et son appellation de raisin de table, le chasselas a connu de nombreuses vinifications par le passé. Pouilly-sur-Loire en est un vivant témoignage, même si les 30 hectares de chasselas actuels (soit 3 % de son vignoble), alors que la moitié de sa surface était recouverte de chasselas il y a un demi-siècle. Cet impressionnant repli serait dû au développement du sauvignon blanc (le huitième cépage le plus planté dans le monde). « Il est plus rémunérateur dans l'immédiat, alors que le chasselas est difficile à cultiver, et inégal en rendement. Nous nous sentons un peu comme les derniers des Mohicans, avec l'Alsace et la Savoie » à vinifier le chasselas, témoigne Sophie Guyollot, qui a 60 ares de chasselas sur les 30 hectares de son domaine Landray-Guyollot (Pouilly-sur-Loire).
« Le sauvignon blanc a l'avantage d'être mondialement connu » estime Michel Gendrier (domaine des Huards en AOC Cheverny et Cour-Cheverny). « Les producteurs, les distributeurs et les clients se tournent par facilité vers ce qu'ils connaissent. Mais les cépages locaux présentent des opportunités de valorisation plus intéressantes, notamment sur des circuits plus connaisseurs. » Irréductible face au raz-de-marée du sauvignon blanc en Loire, le cépage romorantin montre en effet plus que des signes de résistance : il se développe ! En témoigne l'agrandissement actuellement envisagé de l'appellation Cour-Cheverny, dont le cépage emblématique, et exclusif, n'est autre que le romorantin (depuis que François Premier l'a ramené en 1519 de Bourgogne). Le même son de cloche se fait entendre depuis l'appellation voisine de Cheverny. Michel Quenioux (domaine de Vielloux) y mise sur l'utilisation du cépage orbois (aussi connu sous le nom de menu pinot) pour démarquer ses vins de ceux très « sauvignonnés ».
Prenant du recul, Arnaud Daphy (co-fondateur de l'association Wine Mosaic, qui défend la « vinodiversité ») rappelle que chaque cépage connaît des fluctuations de ses surfaces, évolutions dont le dynamisme peut être « en voie de disparition », comme le chasselas utilisé en vinifications, ou sur la « pente ascendante » comme le romorantin de Cour-Cheverny. Au-delà des questions de la préservation d'un héritage ampélographique patrimonial (sujet particulièrement polémique avec les débats actuels sur le déménagement du domaine de Vassal), Arnaud Daphy souligne pragmatiquement l'intérêt marketing des cépages anciens, modestes en surfaces mais assez ancrés localement pour permettre une différenciation de niche. Pour lui, « quand la Turquie arrive avec des vins de merlot sur le marché américain. Ils sont peut-etre la deux-cent-cinquantième région à en produire. Contrairement à leurs cépages autochtones uniques, comme l'öküzgözü, qui peuvent se placer sur une niche... Une fois que l'on a appris à prononcer son nom ! »
[Illustration : jeune rameau de romorantin B, Pl@ntGrape]