e 23 janvier, l'Institut Scientifique de la Vigne et du Vin de Bordeaux accueillait une journée technique entièrement dédiée à la gestion des couverts végétaux dans le vignoble. Enjeu viticole majeur dans le mode de conduite, l'enherbement est un enjeu dont la perception a bien changé. « La première fonction des couverts végétaux est bien éloignée de celles qui nous intéresse aujourd'hui » rappelait en introduction le chercheur Jean-Philippe Roby (UMR EGFV), qui s'appuyait sur les anciennes pratiques de pâtures hivernales. Avec l'arrêt des transhumances, puis l'intensification de l'agriculture dans la seconde moitié du XXème siècle (avec un usage systématique des herbicides), le vignoble français s'est habitué à des parcelles « propres », de l'inter-rang au cavaillon. Désormais le vignoble hexagonal redécouvre les avantages agronomiques de l'enherbement : amélioration de la portance et de la structure des sols (réduisant l'érosion), restitution et apport de matière organique, captage et dégradation des résidus phytosanitaires...
Sans revenir à la polyculture (même si Jean-Philippe Roby croit en l'avenir de systèmes tels que l'agroforesterie), le vignoble enherbé se reconnecte avec son environnement, dans une continuité agroécologique. « En théorie, le couvert végétal apporte une diversité floristique, un support au développement du cortège des populations primaires et toute la chaîne alimentaire » détaille Josépha Guenser (Vitinnov). Dans la pratique, l'utilisation de semis « de mélanges complexes » peut décevoir. L'inter-rang pouvant être dominé par quelques espèces, selon les conditions pédoclimatiques jouant sur la levée. Josépha Guenser privilégie la sortie du « schéma systématique et intensif », avec par exemple « une gestion différenciée de la tonte, avec des dates différentes pour ne pas supprimer toutes les ressources [NDLR : nécessaires à la chaîne alimentaire] en même temps ».
Avec cette logique, les vignes en phase de repos présentent une véritable réservoir de biodiversité. Qui peut également avoir un rôle agronomique non négligeable. Les vignes atteintes par le virus du court-noué ne pouvant être soignées, le seul remède actuel reste la dévitalisation, l'arrachage et la jachère sur quelques années. Face à ce long temps de repos, la recherche se penche sur des plantes permettant de réduire plus rapidement les populations vectrices du virus (des nématodes, notamment Xiphinema index). Présentés par Coralie Laveau (Vitinnov), les premiers résultats semblent très prometteurs (notamment pour l'avoine, la luzerne, la vesce velue et le trèfle violet dans le cas des semis d'automne et de printemps). Mais ils varient fortement selon les conditions pédoclimatiques, et Coralie Laveau souligne que des végétaux nématicides « ne peuvent pas tout faire, il faut conserver une stratégie globale pour gérer le court-noué ».
Vu comme un outil de gestion du vignoble, l'enherbement a des effets sur les vins qui ne sont pas facilement généralisables. Selon les recherches bibliographiques d'Isabelle Masneuf-Pomarède (Bordeaux Sciences Agro), l'enherbement peut présenter autant d'avantages (moins d'acidité totale, plus de sucres réducteurs, plus de composés phénoliques pour les vins rouges...) que d'inconvénients (moûts carencés en azote, vins blancs réduits...). « Il n'y a pas de recette. Il faut voir les objectifs de production (rendements, couleur et type de vins...) et décider au cas par cas. Il n'existe pas de plante miracle ! » conclue Maarten van Helden (Bordeaux Sciences Agro). Mais, ajoute-t-il malicieusement, « un semis de fleurs à l'entrée du domaine attire d'autre auxiliaires : ils s'appellent touristes ! »
* : dont on ne connaît actuellement pas les modalités nématicides.
[Photo : détail de la présentation de Coralie Laveau, premiers résultats des plantes nématicides]