e docteur Georges Siegenthaler était chercheur en biochimie médicale à l'Université de Genève jusqu'à sa retraite anticipée, au début des années 2000. « Ce n'est que de fil en aiguille que j'ai repris des vignes savoyardes, qui étaient destinées à l'arrachage » se rappelle-t-il. Après dix ans à produire des vins dans son garage, il a désormais une nouvelle cave et un associé, Jean-Marie Loriaud, pour l'assister sur les 7 hectares de vignes du Domaine de Vens-le-Haut (Seyssel, Haute-Savoie). Le domaine s'est également trouvé un paradigme : le vin se fait à la vigne. « Et plus particulièrement dans le sol » ajoute Georges Siegenthaler.
En scientifique aguerri, cette certitude lui vient de recherches bibliographiques. N'ayant aucune connaissance de la vigne et du vin, il avait acheté à ses débuts de nombreux ouvrages sur la viticulture et les vinifications. Plaidoyer pour l'arbre de Francis Hallé, l'aura le plus interpelé, car « ce que l'on voit à la surface ne représente qu'un millième de ce qui est enfoui dans le sol ». Ayant la vision que les traitements chimiques brisent la vie des sols, Georges Siegenthaler suit la démarche de viticulture biologique, mais la conversion n'aura pas été simple. Car il y a « besoin de créer toute une biomasse au préalable, pour soutenir les plusieurs tonnes par hectare de vignes de matière biologique vivante : bactéries, vers de terre... ».
S'il s'inscrit dans l'agriculture biologique, mais se revendique surtout de la biologie végétale, « sans mysticisme ni poudre de perlimpinpin et encore moins de biodynamie. Je connais les ouvrages de Rudolf Steiner, c'est un conférencier qui n'a jamais fait d'agriculture » juge-t-il. Ayant selon ses propres termes déplacé son labo à la vigne, Georges Siegenthaler garde la modestie du « novice qui vient avec des idées qui peuvent être fausses, mais qui interpellent ». L'échange est le moteur de ses essais, notamment sur son fameux cocktail en alternative au cuivre. Mais ses habitudes issues du milieu scientifique se heurtent à une filière souvent taiseuse. « Les viticulteurs sont souvent assez discrets sur leurs pratiques. Pourtant il n'y a pas de secret en agriculture ! Nous sommes intégrés dans le réseau des fermes Ecophyto, qui porte ses fruits en motivant les acteurs. »
A la fin de l'année dernière, un article de la revue scientifique de référence Nature le citait parmi les scientifiques ayant mis leurs compétences au bénéfice de la vigne et du vin, notamment en publiant cours et conférences (sur le sol, le talc, etc.) via le site du Domaine de Vens-le-Haut. Comme le déclare Georges Siegenthaler, son activité de R&D est bénévole, « mon seul salaire c'est mon ego, il faut que ce soit parfait ! » Sa philosophie de gestion des intrants phytosanitaires et fertilisants par le « sol, tissu vivant » est cependant mise à rude épreuve en cas d'aléas climatiques. Après une année 2012 compliquée, 2013 s'annonce aussi difficile. Notamment à cause d'une volonté « trop poussée de réduction de l'Indice de Fréquence des Traitements, ce qui est une erreur parce que ça ne doit pas être un but en soit » reconnaît Georges Siegenthaler.
[Photo de Georges Siegenthaler : Domaine de Vens-le-Haut]