En matière de marques viticoles, l’action en contrefaçon peut tourner au vinaigre !
En date du 21 Novembre 2012, la Cour d’Appel de Paris a rendu un arrêt dans lequel elle a conclu à l’absence d’imitation entre les marques dénominatives Ducluzeau et semi figuratives Château Ducluzeau opposées par la SA JE BORIE à Monsieur Pierre Barrière, lequel avait procédé au dépôt, en l’absence de renouvellement, de sa marque Château Le Cluzeau.
La démonstration retenue par la Cour pour justifier de l’absence de risque de confusion entre les marques est assez surprenante ; en effet elle remarque que la marque antérieure semi figurative inclut, outre la dénomination Château Ducluzeau, la représentation d’une propriété ainsi que des mentions telles que Listrac Médoc alors que le nouveau dépôt est uniquement composé d’une dénomination . Que les différences entre les signes seraient donc flagrantes indépendamment de la reprise des termes Château et Cluzeau !Contrairement au terme Ducluzeau qui dans la marque semi figurative renverrait à un produit, la dénomination Le Cluzeau renverrait à un nom propre…
Cette analyse laisse songeur et renvoie à la difficulté de porter devant la juridiction appropriée des litiges dans le domaine viticoles, lesquels revêtent des particularités souvent méconnues des juridictions en dehors du Bordelais.
Petits rappels de procédure en matière d’action en contrefaçon :
Dans le cadre d’un litige franco français l’article 42 du code de procédure civil énonce que le tribunal compétent est celui du domicile du défendeur
L’article 46-2 précise que le demandeur peut choisir d’attraire le défendeur devant le tribunal du lieu du fait dommageable ou du lieu où le dommage a été subi.
Les problématiques de contrefaçon dans le domaine vini viticole étant très spécifiques, elles sont souvent analysées par les juridictions bordelaises en tenant compte de critères factuel et toponymique auxquels un juge « extérieur » sera moins concerné.
En l’espèce on peut effectivement douter qu’un juge bordelais aurait écarté l’imitation sur les mêmes critères que ceux retenus par la Cour d’appel de Paris, laquelle semble, par des motifs détournés, vouloir justifier l’absence de renouvellement de la marque contestée et valider ainsi leur coexistence. Mais est ce le rôle d’un juge de faire des sentiments ?
Il en ressort qu’il est primordial avant d’initier une action en contrefaçon et, spécifiquement dans le domaine viti vinicole de tenter dans la mesure du possible de porter l’affaire devant les tribunaux bordelais.
Cette option est envisageable :
si le défendeur est domicilié dans le ressort du tribunal concerné, ce qui n’est effectivement pas toujours le cas ou
si le dommage a été subi dans ce même ressort (exemple constat de vente des bouteilles contrefaisantes dans la région)
En revanche, si pour des questions de coûts vous avez optez pour l’abandon de votre marque antérieure française au profit d’une marque communautaire, vous n’aurez d’autre choix que d’attraire le défendeur devant le TGI de Paris seul compétent pour traiter des conflits en la matière et là ce ne sera pas forcément Justice !
Céline Baillet Conseil en Propriété Industrielle Cabinet INLEX