ncien avoué à la cour d’appel de Bordeaux (1983 à 1993) et PDG d'un grand cru classé (1993 à 2005), Thierry Rustmann est aujourd'hui vigneron à Pomerol (Château Beau Soleil) et co-fondateur de l'agence indépendante Pichet-Rustmann.
Quel est le dynamisme du marché foncier bordelais ?
Thierry Rustmann : L’amplitude des prix est particulièrement élevé dans la région bordelaise, de 12 000 à plusieurs millions d’euros l’hectare selon le terroir. C’est un marché à plusieurs vitesses. Au dessus du lot il y a bien entendu les domaines exceptionnels, ceux qui appartiennent à de grands terroirs. La demande est ferme pour ces propriétés, les ventes se font très rapidement. Les prix augmentent toujours pour ces biens et ne semblent pas devoir connaître de plafond. Pour les AOC moins prestigieuses, le marché est plus difficile. De nombreuses propriétés mettent du temps à trouver preneur. Les prix de ces domaines sont généralement surévalués par rapport aux réalités du marché.
Il y a également le marché de l’immobilier de prestige, avec des demeures historiques possédant parcs et vignes. Les clients qui animent ce marché sont plus souvent à la recherche d’une qualité de vie que de vignes. Ils ne cherchent pas de grands terroirs, les vignobles sont souvent en appellation Bordeaux, Bordeaux supérieur ou Cru Bourgeois. Les négociants bordelais sont également à la recherche de vignes nues. Plutôt que de faire appel à un vigneron, ils préfèrent approvisionner eux-mêmes leurs marques. Destinées aux vins de masse, ces vignobles sont négociés de 12 à 15 000 € l’hectare.
Actuellement, les investisseurs du vignoble bordelais sont-ils uniquement chinois ou russes ?
Il ne faut pas être aussi restrictif, les vignes bordelaises présentent des attraits pour d’autres nationalités. Parmi les principaux acheteurs dans le bordelais, on trouve de nombreux Anglais, des Belges, des Brésiliens, des Argentins... Sans oublier les investisseurs français ! Qu’ils soient d’Aquitaine ou de Paris, ce sont généralement des personnes en reconversion professionnelle.
Mais les investisseurs chinois et russes pèsent beaucoup sur le marché actuel, notamment celui des propriétés de prestige. Ces clients ont sensiblement le même profil. Ils viennent de pays qui ont un accès au monde extérieur récent et ont souvent des fortunes incertaines. Ils ont la volonté d’investir dans un immobilier français, car en cas de problème de l’autre côté de la frontière, ce sera toujours un pied à terre stable. Quand ils ne sont pas issus de la profession, tous ces clients ont les mêmes besoins. Ils demandent à être suivis pendant un ou deux ans, afin de rencontrer les bons consultants et réussir à orienter leur production conformément à leur volonté.