onsieur Counoise est viticulteur dans la région du Rhône. Il exploite ses vignes depuis une vingtaine d'années, après avoir déménagé avec son épouse. Il a créé de nombreuses marques, notamment la marque « la toge du Pape » qui fait un tabac en Amérique du Sud. D'ailleurs, un de ses vieux amis de la région, restaurateur à Santiago, lui a récemment proposé de lui racheter la fameuse marque.
Malheureusement, Monsieur Counoise et son épouse, qui s'étaient mariés sans contrat de mariage (et donc soumis au régime de la communauté de biens) ont pris la décision de divorcer, car ils ne s'entendent plus du tout.
Monsier Counoise préfèrerait donc attendre pour vendre la marque «la toge du Pape» dont il sait qu'il va en tirer un très bon prix, afin de s'assurer que son épouse ne profite pas de l'aubaine.
C'est sans compter son ami qui le presse de procéder à la cession...
L'épouse de Monsieur Counoise peut-elle réclamer une part dans le prix de vente ?
Et si la marque n'est pas vendue avant le prononcé du divorce, connaissant sa valeur marchande, peut-elle réclamer davantage lors du partage ?
En fait, tout va dépendre de la qualification de la somme perçue pour la cession de la marque. Si cette somme d'argent est considérée comme un bien commun, elle fera l'objet d'un partage entre les deux époux. Si elle est considérée comme un bien propre de Monsieur Counoise, son épouse ne pourra alors pas réclamer de part sur cette somme.
Cette qualification commune ou propre va suivre la qualification de l'exploitation viticole. En effet, la marque doit être considérée comme un accessoire de l'exploitation, de même que le matériel qui est affecté à ladite exploitation.
Ainsi, si l'exploitation viticole est qualifiée de propre, soit parce qu'elle a été créée avant le mariage, soit parce qu'elle a été financée avec des deniers propres (c'est-à-dire qui de l'argent qui appartenait personnellement à l'époux exploitant), la marque sera elle-même qualifiée de propre. Et dans ce cas, l'argent reçu en contrepartie de la vente ne tombera pas dans la communauté et seul l'époux exploitant pourra en profiter.
A l'inverse, si l'exploitation est qualifiée de commune (par exemple, si elle a été créée pendant le mariage et financée par un prêt), la marque sera elle-même considérée comme un bien commun, et l'argent de la vente tombera dans la communauté.
Notre viticulteur ne peut pas vendre sa marque la Toge du Pape sans reverser la moitié du prix de vente à son épouse, puisqu’il a créé son exploitation pendant le mariage : il s'agit donc d'un bien commun. En l'absence de vente, Madame Counoise pourra bien entendu demander que la valorisation de l'exploitation viticole qui sera attribuée à son époux tienne compte de la valeur marchande de cette marque.
Monsieur et Madame Counoise devront consulter leur notaire afin d'établir le projet de partage des biens de la communauté et vérifier la qualification des biens comme étant propres ou communs.
VITISPHERE – Mars 2012



