atrick Lucas, de l’institut de la vigne et du vin de Bordeaux, a présenté lors du récent congrès des Capitales de grands vignobles les résultats des recherches de son unité de recherche en œnologie au sujet des amines biogènes. Ces molécules, à la fois composantes du système immunitaire, neurotransmetteurs, régulateurs de la température du corps et de la digestion, sont présentes dans les produits fermentés. Elles sont en particulier produites dans le vin par les bactéries lactiques, lors de la fermentation malolactique.
L’apport d’amines biogènes par l’alimentation et donc par le vin a été un temps incriminé dans la dérégulation des systèmes qu’elles contrôlent, et accusé de provoquer des maux de ventre et de tête. Le débat reste ouvert sur la dangerosité des doses d'amines biogènes contenue dans le vin et sur leur impact sensoriel (pour relire notre point complet sur la question, cliquez ici) ; la Suisse interdisait d’ailleurs jusqu’à l’année dernière la vente de vins en contenant plus de 10 mg par litre. Si la toxicité de cet apport n’est pas du tout sûre, le doute qui persiste pourrait motiver à l’avenir l’apparition de nouvelles barrières sanitaires, dans un monde du vin toujours plus concurrentiel, ce qui justifie la poursuite des recherches sur le sujet.
Les chercheurs de Bordeaux ont établi, grâce au procédé d’analyse dit PCR (réaction en chaîne par polymérase) que 70% des 264 échantillons (issus de 116 domaines de la région) qu’ils avaient testés en contenaient un nombre important, sans pourtant pouvoir établir de corrélation avec les origines des vins. D’autres recherches leur ont permis de conclure que l’utilisation de déclencheurs permettant de raccourcir la durée des fermentations malolactiques permettait de réduire le taux d’amines biogènes.
Enfin, ils ont développé un nouvel outil pour la surveillance du taux de ces molécules : alors que la méthode classiquement utilisée de quantification de l’ADN, dite HPLC (chromatographie en phase liquide à haute performance) est très coûteuse en temps, en argent et un matériel, il est aussi possible d’utiliser une chromatographie en couche mince (TLC, ou thin layer chromatography), c’est à dire avec de simples papiers colorants. Cette méthode très bon marché (0,5€ par analyse, contre 100€ par HPLC) peut être utilisée de façon routinière, par des personnes sans formation poussée, et sans équipement particulier.