n ce début de vendanges de millésime 2011, l’état sanitaire des vignobles de l’ensemble de la France est globalement sain*. Mais la prudence doit toujours être de mise en ce qui concerne les Goûts Moisis Terreux (GMT), qui proviennent des flores microbiennes se développant au vignoble sur les pellicules de raisin. Selon l’Institut Français de la vigne et du vin (IFV), les cépages cabernet sauvignon, gamay, pinot noir, chenin blanc et sémillon sont particulièrement sensibles à ce défaut organoleptique généralement accompagné d’une baisse des rendements notable. Durant les quinze dernières années, ce défaut aromatique est devenu un problème majeur dans l’ensemble des vignobles français, le millésime 2002 ayant particulièrement été entaché par ces défauts commercialement inacceptables.
Seuls les vignobles méditerranéens ont été épargnés par les GMT, Botrytis cinerea s’y développant peu. Pouvant être associé avec des moisissures secondaires (du genre Penicillium), le champignon de la pourriture grise est le principal responsable de cette déviation organoleptique. Des méthodes préventives permettent de réduire les risques de GMT dans les vins, en alliant traitements phytosanitaires (par exemple une stratégie à deux traitements anti-botrytis) raisonnés et mesures prophylactiques (notamment par la réduction de la vigueur de la vigne et l’aération des grappes). Malgré toutes ces précautions, le développement d’une flore fongique préjudiciable est toujours envisageable, notamment après de fortes averses ou un développement de tordeuses de la grappe blessant les baies.
En cas de doute sur la possible apparition de GMT, l’institut technique d’Interloire conseille de vendanger précocement les parcelles à risque, avec la mise en place d’un tri attentif de ce qui en est récolté. L’isolation de ces lots est également obligatoire, car l’assemblage d’un vin altéré avec un fin non dévié donne toujours de mauvais résultats. Pour les vinifications en rouge, il faut écourter au maximum les opérations de macération et de cuvaison, afin de limiter les contacts entre jus/moûts et les pellicules infectées. Une macération préfermentaire à chaud (65°C durant douze heures) suivie d’un pressurage direct et d’une fermentation en phase liquide est également envisageable. Pour les vinifications en blanc et rosé, les macérations pelliculaires sont également déconseillés, tandis que le débourbage doit être fait avec rapidité et précaution (les bourbes ne devant évidemment pas être réincorporés) et qu’aucune fermentation alcoolique ne doit débuter sur un jus altéré. Pour toutes les vinifications, l’utilisation de charbon œnologique (pas plus de 100g de produit sec par hectolitre traité) durant la fermentation alcoolique est une solution curative aux cas extrêmes.
Les effets organoleptiques de ces déviations sont majeurs. Actuellement on connaît surtout la molécule de (-) géosmine (voir illustration) qui est responsable des arômes de betterave rouge et de terre, mais on étudie également les effets du 2-méthyl-isbornéol (arômes de terre, de camphre) et du 2-isopropyl-3-méthoxypyrazine (arômes de pomme de terre, de petits-pois). La géosmine serait produit exclusivement par la flore de genre Penicillium. Cette molécule se détecte dès la grappe, à des seuils de perceptions qui s’ils sont bas (20 à 60 ng/L), sont très variables selon les personnes. La sensibilité des vinificateurs à cette molécule étant primordiale, ce dernier doit s’assurer de sa capacité à la détecter et ne pas hésiter à avoir recours à personnes tierces dans tous les cas. Il est à noter que la molécule de géosmine n'est pas forcément écœurante pour tous. D’après ses conclusions d’une étude publiée en 2003, le professeur anglais Keith Chater avançait l'hypothèse selon laquelle l'odeur terreuse de géosmine pourrait même être un enjeu de vie ou de mort pour les chameaux sahariens. Selon le chercheur de Norwich, le développement de moisissures dans les oasis produit de la géosmine, qui serait détectable par les camélidés jusqu'à plusieurs dizaines de kilomètres de distance.
* : dernièrement, le ministère de l’Agriculture ne se disait préoccupé que par la présence de Botrytis cinerea en Alsace (pour en savoir plus, cliquer ici)