Les apéros de la Villette tombent à l'eau

h les petits plaisirs d'été citadins !... Ils se résument souvent à un verre de vin ou autre apéritif en amoureux ou entre amis et au bord de l'eau. Mais le prétexte sécuritaire est venu gâcher la fête. Face aux abus, tout le monde trinque. Fini le rosé, vin blanc ou rouge au bord du bassin de la Villette (10e et 19e arrondissement de Paris). Car l'espace public ne l'est plus.

Arrêté préfectoral
Depuis début juillet et jusqu'au 31 octobre, un arrêté préfectoral interdit la consommation d'alcool sur le domaine public de 21h à 7h et la vente de boissons à emporter après 22h30. La zone concernée s'étend de la place de la Bataille de Stalingrad, aux quais de la Seine et de la Loire, une partie de la rue de Crimée, de l'avenue de Flandres, du boulevard de la Villette et de l'avenue Jean-Jaurès. Les raisons invoquées par la préfecture de police de Paris sont les "troubles et nuisances occasionnés par des personnes consommant de l'alcool sur le domaine public […]. Il a été établi qu'un certain nombre d'infractions et d'actes de violence commis dans ce secteur sont directement liés à la consommation d'alcool."
Les noctambules s'insurgent, les habitants du quartier aussi.

Pétition
Une partie du bassin de la Villette accueille des animations de Paris-Plages de 8h à minuit. L'été, c'est tout simplement un lieu de convivialité, de rencontres cher aux Parisiens, et le jardin de beaucoup d'entre eux. Une pétition a d'ailleurs été lancée par des habitants des 10e 18e et 19e arrondissements et signée par 562 personnes. Elle s'intitule "Bassin de la Villette : la vie et le plaisir contre la prohibition" (à lire en intégralité ici).
Pédagogues, les habitants signataires expliquent : "Le Bassin de la Villette est aujourd'hui un lieu de pique-nique, de rencontre, d'échange et de plaisir qui représente une fenêtre inespérée pour des arrondissements présentant des densités de population au delà de toute comparaison (supérieurs à 30 000 hab./km²) et des niveaux de paupérisation sans commune mesure avec le centre de la ville. Depuis le milieu des années 2000, il est devenu un rendez-vous estival miraculeux pour nous tous qui, confinés dans des appartements trop petits et des quartiers sans espaces verts ouverts, avons besoin de retrouver nos amis et envie de rencontrer nos voisins."

"Quid d'une consommation mesurée"
Ils poursuivent : "Bien sûr, comme l'explique l'arrêté, la consommation d'alcool génère des troubles, des nuisances et parfois de la violence, qui le nierait ? Mais quid de ce qu'une consommation mesurée et récréative, une bouteille de rosé avec des chips et du poulet, apporte comme bien-être, comme légèreté, comme désinhibition salutaire dans un contexte urbain et sociétal aussi tendu que celui que nous vivons chaque jour ? Vous comptabilisez les plaintes et les troubles mais qui fait le décompte des amitiés et des amours qui sont nés au même endroit ? Et, pour aller plus loin, qui nous dit que l'arrêté, qui mettra fin à nos rendez-vous paisibles, sera à même de lutter contre les consommations et les comportements les plus excessifs ? Ceux-là qui génèrent troubles et exaspérations ? La zone délimitée s'arrête aux frontières du Bassin : le vaillant pochetron suffisamment excité et éméché n'aura qu'à faire quelques dizaines de mètres pour aller s'approvisionner en alcool et revenir au bord de l'eau sans se préoccuper d'un texte que vous aurez bien du mal à appliquer chaque soir. A moins bien sûr d'y consacrer une part importante de vos effectifs de police mais ne partagez-vous pas notre sentiment qu'ils seraient plus utiles ailleurs ?"

D'autres quartiers sont confrontés à la même situation : la Butte-aux-Cailles (XIIIe arrondissement) est tenue par un arrêté préfectoral qui interdit de consommer de l'alcool sur la voie publique. Mouvement assez rare, les bars ont fait grève le 21 juin dernier, jour de la Fête de la musique pour protester contre cette décision. Preuve que la liberté de l'espace public reste nécessaire à l'équilibre de la ville.