ans le cadre de la conférence du groupe Sopexa (pour relire notre article, cliquez ici), le vigneron alsacien Jean-Michel Deiss est intervenu : « Je suis d'accord pour dire que le réglage alsacien représentait jusqu'au 1 Aout 2009 un idéal correspondant à une position d'équilibre du marché, entre la mention d'un cépage, facilement compréhensible et celle d'une origine plus complexe à appréhender. Mais pour décider aujourd'hui si la demande des vins de cépage est un mirage ou un eldorado, il faut intégrer un élément très important : celui du contexte actuel qui est un contexte de crise.
En matière de vins de cépages, le coût de production mondial du kilo de raisin est passé de 1,5 $ à 0,50 $, ce qui portera le prix moyen de la bouteille d'un vin de cépage, l'alphabet, l'esperanto du vin, sa première clé, d'un peu plus de 3 $ à un peu moins de 2 $, soit de 2,4 à 1,8 € environ .
A ce prix là, c'est la mort pour 80 % des opérateurs français. Il nous faut trancher cette question rapidement car l'économie ne nous laissera pas le temps de gloser. De plus le nouveau monde est en train de s’approprier les codes du terroir ( et sa marge) …alors que nous investissons ceux du cépage . Le monde a l’envers !
Je suis pour la transparence de l'étiquetage : nous devons au respect du consommateur de lui donner des informations complètes. En AOP le cépage n'est qu’un élément informatif parce que son expression est couverte ou contrariée par les valeurs communicantes du terroir. Je ne saurai jamais si le Châteauneuf du pape que je bois est issu d'une syrah réductive ou d'un grenache oxydatif parce que je fantasme sur les galets roulés du Rhône !
Une réforme majeure est intervenue le 1er août 2009, à nous d'en tirer les conséquences et de savoir où sont nos gènes : les cépages sont légitimes sur une partie du marché , en Sans IG ; pas en AOP ou ils sont un outil transparent parmi d’autres .
Il faut repréciser le vocabulaire : le terroir c'est la somme de tous les renoncements à tout ce qu'il est techniquement possible de faire pour plaire au consommateur moyen . En AOP nous sommes au contraire dans une logique d'offre : je présente mon identité et je crée ma demande. Nous, producteurs français, sommes souvent en train de désespérer nos clients export qui ont surinvesti dans nos valeurs, manifestant presque un fantasme du vin français. Nous nous devons donc de leur faire entendre que nous sommes capables d'expliquer nos terroirs, de revenir à l'essentiel, de segmenter l'offre et de ne pas surfer sur ce qui est de l'ordre de la mode. Quand celle du chardonnay sera passée, il restera le Meursault Charmes. »
Notre photo : Jean-Michel Deiss lors de l'assemblée générale 2011 de l'association SEVE à Châteauneuf du Pape.