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pécialiste des relations presse et relations publiques dans l’art de vivre, Christine Ontivéro est reconnue pour son expérience autant que pour son franc-parler. Les états d’âme d’une professionnelle inquiète !
Christine Ontivéro : « Les rubriques vins des quotidiens régionaux se réduisent comme une peau de chagrin. Quand un journaliste en charge d’une rubrique vin prend sa retraite, les rédacteurs en chef ne jugent pas nécessaire de le remplacer. Leurs arguments : le vin n’est pas une priorité…
Mais il y a plus surprenant dans l’attitude de la PQR. Lorsque nous envoyons une invitation pour l’un de nos clients et que nous rappelons par téléphone pour savoir si un journaliste pourra être présent, certains rédacteurs en chef nous répondent qu’ils ne traiteront pas le sujet “parce que c’est commercial”. On croit rêver ! Cette réponse est totalement incohérente et absurde. Les quotidiens régionaux sont remplis de pages sur le football, le rugby, le cinéma, le théâtre, la musique, la mode... Que je sache, lorsqu’on va voir un match, un film, un concert ou qu’on repart d’un magasin avec une robe... Ce n’est pas gratuit. Si on suit ce raisonnement jusqu’au bout, alors il faudrait que les journalistes s’interdisent de parler de tout produit qui se vend ? Qu’on me réponde « le sujet ne m’intéresse pas », je peux l’entendre, mais pas « je ne peux pas, ça, c’est commercial », c’est pour moi irrecevable. Question de logique et de bon sens.
Quant aux télés et radios qui disposent d’un temps extrêmement limité pour traiter un sujet, quand elles veulent bien parler du vin, elles ne font que délivrer des messages alarmistes, réducteurs et racoleurs.
Avec bon nombre de médias, c’est de plus en plus la veille pour le lendemain. A qui la faute ? A des investisseurs qui ont misé sur la presse sans avoir la fibre, en espérant une rentabilité rapide. Ils n’ont qu’un seul objectif : RENTABILISER. Pour ce faire, il faut toujours aller vite, de plus en plus vite. C’est devenu normal de recevoir des e-mails des rédactions à 11 h nous demandant une bouteille pour le lendemain matin. Ces gens perdent de vue, me semble-t-il, que le vin se fait en milieu rural, que la poste ferme de plus en plus de bureaux dans les villages, que certains vignerons ne peuvent plus envoyer de colis passé midi car leur bureau de poste est fermé. Pour répondre aux exigences de ces médias peu organisés, il faudrait que les vignerons fassent des kilomètres afin de se rendre à la ville la plus proche et envoient leurs bouteilles par chronopost. On rêve !
Comment en est-on arrivé là ? Les services de publicité font de plus en plus la loi dans les rédactions. C’est souvent la pub qui décide le nombre de pages qu’il lui faut pour tel numéro et la rédaction n’a qu’à s’incliner. Une dizaine de jours avant le bouclage, les responsables de la pub s’aperçoivent qu’ils n’ont pas vendu toutes leurs pages, charge alors au rédactionnel de “boucher les trous”. Se créent alors des contenus à marche forcée en pressant les pigistes comme des citrons. Ces derniers n’ont pas d’autre solution, s’ils veulent gagner leur vie (ils sont payés quand l’article paraît) que de répercuter ces attentes délirantes de dernière minute sur les attachés de presse qui, à leur tour, mettent la pression à leurs clients vignerons.On a beau être très organisées, il y a des limites. Ca frise le ridicule. Vite et bien sont rarement compatibles !
Le problème des investisseurs se pose également dans les vignes. Les hommes d’affaires achètent des domaines viticoles persuadés qu’ils vont vite rentabiliser. Or, il faut bien 10 ans pour arriver à l’équilibre. Souvent ils n’ont pas la patience d’attendre. Ils revendent laissant derrière eux un énorme gâchis. Rentabilité, le mot "qui tue". On comprend que tout investisseur ait besoin de faire fructifier son apport mais la renbabilité a, aujourd'hui, pris le pas sur la notion fondamentale d'entreprise. A méditer ! »
Retrouvez Christine Ontivéro dans la Sphere Conseil de Vitisphere.