D
ans la nuit du 11 au 12 août, des vandales ont saccagé un centre de vinification flambant neuf à Autignac dans le Faugérois. L’installation, qui représente un investissement de 1 million d’euros, était prête à démarrer ses premières vinifications dans les tous prochains jours. Cet acte de vandalisme signé du Crav (Comité régional d’action viticole) est jugé incompréhensible par bon nombre de responsables régionaux.
Qui peut bien en vouloir à Fabien Pujol et Walter Valgalier, les deux associés à l’origine du projet de winery d’Autignac au cœur de la région de Faugères ? « C’est incompréhensible, affirme Walter Valgalier. Le projet qu’ils portent depuis plusieurs mois consiste à offrir un outil de vinification à la pointe aux vignerons indépendants qui préfèrent investir dans le commercial plutôt que dans leur cave. « Nous leur offrons un centre de vinification équipé des technologies les plus modernes : pressoir Inertis, table de tri, groupe de froid… cela leur permet de bénéficier d’un équipement qu’ils ne peuvent pas s’acheter individuellement ». Il n’y a pas de transfert de propriété de la vendange, le vigneron décide de ses itinéraires de vinification avec son œnologue, chaque domaine est bien entendu vinifié séparément et à l’issue de la période d’élevage, les vignerons récupèrent leurs vins. Le site est donc très bien équipé en petite cuverie pour faire du « cousu main ».
Pour amortir l’investissement, les deux associés ont également prévu un process de vinification plus industriel pour traiter de gros volumes. Une prestation qu’ils comptent proposer à de plus gros opérateurs. Un premier contrat a été signé avec une maison régionale de négoce. Pour ces premières vendanges, le site doit vinifier moins de 10 000 hl. «Nous avons 5 vignerons indépendants et un gros operateur de négoce. Nous avons été obligés de refuser des demandes car nous ne voulons pas trop nous charger pour la première année ».
Alors pourquoi ce projet a-t-il déchainé la colère de membres du CRAV qui armés de masse et de cisailles ont détruit les groupes de froid, défoncé à coup de pioche les cuves inox, cassé les robinets, démolis tous les boitiers électriques, rendant totalement inopérant le site à la veille de sa mise en route ? Certes les projets de wineries privées ne sont pas toujours très bien vus dans un secteur où la coopération est particulièrement bien ancrée, mais la taille modeste de cette installation et sa clientèle de vignerons indépendants n’était pas de nature à porter ombrage aux puissantes coopératives du coin. «Je suis contre le principe de winery privée car nous sommes dans une région historiquement riche en structures coopératives. Je ne vois pas pourquoi on développerait des structures de type capitalistes pour faire ce que la coopération est tout à fait capable de faire. Mais je ne vois pas l’intérêt de détruire ce type de structure tournée vers les vignerons indépendants. Ce n’est pas en agissant ainsi que nous empêcheront la création de structures privées, c’est en rendant plus compétitives nos coopératives. Il faudrait re-développer une néo-coopération plus offensive économiquement », commente Jean Huillet, ex-leader des comités d’action viticole, qui ajoute «cette action commando est stupide. Ils feraient mieux de s’attaquer à d’autres cibles, des gens qui se comportent comme des voyous en achetant nos vins à des prix dérisoires ». Boris Calmette, le président de la fédération régionale des caves coopératives, se dit fermement opposé à toute action de vandalisme quelle qu’elle soit : «C’est regrettable. Chacun a le droit de travailler le vin comme il l’entend. Les coopératives ont la capacité d’être performantes et n’ont pas à craindre ce type de projet, d’autant qu’il s’adresse à des vignerons en cave particulière. Je suis d’ailleurs très étonné par cette signature : n’importe qui peut avoir signé CRAV ». Même condamnation de la violence de la part des Vignerons indépendants de l’Hérault : «Nous sommes contre toute manifestation de violence », déclare leur président Jean-Charles Tastavy. «Je déplore que nous soyons la seule région au monde qui saccage les installations des gens qui savent faire et vendre le vin. »
Une enquête est en cours pour retrouver les auteurs de ce saccage complètement contre-productif, qui va une fois de plus nuire à l’image de la toute une région. Fabien Pujol et Walter Valgalier n’en sont pas moins déterminés à poursuivre leur projet. Le matériel endommagé a d’ores et déjà été recommandé, les travaux sont encours pour remettre à flot l’outil et démarrer les vinifications au plus tôt. Leurs premiers clients leur ont maintenu leur confiance et assuré de leur soutien. « La semaine prochaine, on vendange », affirment les deux porteurs de projet.