C
’est la guerre des communiqués à propos d’Esquive SP, un produit biologique de traitement des maladies du bois commercialisé par Agrauxine. La semaine dernière, Agrauxine annonçait dans un communiqué, largement repris dans la presse, que ce produit venait d’obtenir une autorisation de mise en marché. L’information a immédiatement été démentie par Jacques Grossman, Expert Vigne à la DGAL (Direction Générale de l’Alimentation, émanation du Ministère de l’Agriculture), qui précise dans un communiqué : « Esquive n'a pas obtenu, à ce jour, d'autorisation de mise sur le marché. Ce produit qui avait reçu, le 15 janvier 2008, une autorisation pour une validité de 120 jours, n'est donc plus utilisable depuis le 15 mai. Ceci ne préjuge pas des décisions qui pourront être prises après évaluation (en cours) par l'Afssa ». Cette mise au point a conduit la société Agrauxine à revoir son communiqué initial : « Si cette nouvelle AMM n’est pas acquise au sens strict, Agrauxine est confiant quant à la décision du ministère de l’Agriculture dans la mesure où les maladies du bois de la vigne ont connu une forte poussée cet été notamment dans les Pays de la Loire ou dans le Gers. Parallèlement, le micro-organisme utilisé dans Esquive WP (un champignon du genre Trichoderma), n’est nullement révolutionnaire dans la mesure ou des pays tels que la Nouvelle Zélande ou l’Australie l’autorisent et l’utilisent déjà depuis de nombreuses années.»
Esquive WP est un produit biologique : il s’agit d’une souche du champignon Trichoderma atroviride, micro-organisme existant dans le milieu naturel. Les tests in vitro, qui avaient donné des résultats très prometteurs, ont suscité beaucoup d’espoir chez les professionnels, démunis face aux maladies du bois depuis l’interdiction en 2001 de l’Arsenite de sodium. Qui plus est, le caractère biologique de ce nouveau traitement ne pouvait pas mieux tomber au moment où le Grenelle de l’Environnement prétend réduire de 50% l’utilisation des pesticides d’ici 10 ans. Tous ces espoirs ont hélas été déçus par les premiers essais menés en plein champ. Les résultats de l’Inra de Bordeaux qui travaille depuis 10 ans sur l’efficacité de différentes souches de Trichoderma contre Eutypa lata, responsable de l’Eutypiose, montrent des niveaux d’efficacité très variables et partiels. Le traitement, qui s’utilise uniquement en préventif sur plaies de taille, est capable de réduire la colonisation par le champignon pathogène, dont il freine et réduit la propagation, mais ne semble pas avoir d’effet démontré sur l’infection. L’Inra n’a d’ailleurs rien publié à ce sujet, ce qui, on s’en doute, n’aurait pas été le cas si les résultats avaient permis d’offrir une réelle alternative à L’arsenite de sodium. Pourtant Agrauxine continue d’affirmer dans ses communiqués que « depuis février 2003, Esquive est testé avec succès à l’Inra de Bordeaux » et met en avant le témoignage de viticulteurs ayant testé le produit.
Reste qu’Esquive, s’il est à nouveau homologué, est le seul produit à disposition des viticulteurs pour lutter contre les maladies du bois. Certains pourront juger qu’il vaut mieux un traitement à efficacité variable et souvent partielle que laisser la vigne sans traitement.